Le 19 rue d’HautevilleCette adresse fut pendant plusieurs des années d’après-guerre liée à différentes maisons d’édition de littérature populaire. Son emplacement dans le très vivant et très populeux dixième arrondissement de la capitale était bien situé car il était proche de différentes imprimeries qui s’étaient installées dans le quartier {1}, et sa cour intérieure permettait le chargement et le déchargement de camionnettes chargées de livres.
On y retrouve l’incontournable
Roger Dermée, qui fut l’un des premiers à s’y installer en 1949 en y domiciliant
World Press, une maison d’édition dont il partagea la gérance avec un certain
Pierre Mattéi, corse d’origine et dont le domicile déclaré fut justement le 19 de la rue d’Hauteville.
Il semble toutefois avoir été devancé à cette adresse par la
Société Européenne du Livre (SEL), une société d’édition et de distribution enregistrée aux noms de
Yvon Chotard (éditions France Empire) - le futur « patron des patrons »,
Charles Frémanger (éditions Jean Froissart) et
André Martel (éditions du même nom), en novembre 1948. Notons dans cette
Société Européenne du Livre l’omniprésence de
Roger Dermée, qui fut très probablement l’instigateur du montage de ce « consortium d’éditions », et qui officia comme « conseiller » auprès de ces différents éditeurs. Pour s’en convaincre, il suffit de citer
Yvon Chotard qui ira jusqu’à raconter
« qu’on avait monté un truc avec un belge, qui était notre patron » {2}.
Cette société se spécialisera dans la distribution des romans de gros volumes, notamment ceux des aventures érotico-historiques style
Caroline Chérie ou
Marie des Isles - un genre qui avait beaucoup de succès à l’époque - et éditera elle-même quelques titres, avant de faire faillite en octobre 1949.
La photo de
Roger Dermée avec
Eric Von Stroheim, exposant le titre
Paprika publié aux
éditions André Martel en 1950 et qui illustre l’article de
Frank Evrard dans le n° 23 de la
revue Polar, a été prise dans les locaux du 19 de la rue d’Hauteville.
Citons quelques titres distribués par la
Société Européenne du Livre :
La môme a trop parlé, de Jacques Auburtin :
Éditions Franco-Belges - Distribution Société Européenne du Livre 19 rue d’Hauteville ;
Les accouplés, de Robert de Bédarieux et Théo-Filho -
Éditions Pierre de Ronsard - Directeur de collection Roger Dermée - Distribution 19 rue d’Hauteville ;
Le fleuve impur, de Max Mériel : Edition et distribution
Société Européenne du Livre 19 rue d’Hauteville.
L’enfant de l’autre, de Claude Varaize : : Edition et distribution
Société Européenne du Livre 19 rue d’Hauteville;
Ci-dessous, quelques couvertures de romans édités ou distribués par la SEL basée au 19 de la rue d’Hauteville, avec les publicités correspondantes parues dans la Bibliographie de la France. Roger Dermée est derrière tous ces ouvrages,et met en avant autant que possible son illustrateur fétiche du moment René Brantonne.
Nota : les 3 dernières couvertures sont issues du site Brantonne.net
Brantonne sera aussi présent pour les couvertures des collections de deux autres maisons d’éditions qui viendront s’installer au 19 de la rue d’Hauteville - La Flamme d’Or et André Jaeger, là aussi très probablement sur les « conseils » de Roger Dermée… Roger Dermée installa à cette époque et à cette même adresse son comptable
Armand de Caro. On peut opportunément citer à ce propos la petite déconvenue arrivée à
Josette Bruce {3}, la femme de
Jean Bruce, qui vient à cette adresse rue d’Hauteville en 1949, chez un « grand éditeur » que Bruce ne connaît pas mais dont il a trouvé l’adresse dans le « Bottin », pour essayer de placer le dernier manuscrit de son mari. En fait de grand éditeur
« Mme Bruce est accueillie par deux jeunes gens enthousiastes. (…) Mme Bruce est un peu surprise, mais tout à coup, elle s’aperçoit qu’elle s’est trompée d’étage et de porte. Elle n’est pas entrée chez le grand éditeur, mais chez des débutants à la recherche de l’oiseau rare… ».
Le lecteur aura compris que le « grand éditeur » était
Roger Dermée, et que les deux jeunes enthousiastes étaient
Armand de Caro et
Guy Krill, qui allaient fonder les
éditions “Fleuve Noir”.
Par la suite, en 1952,
Roger Dermée fonde les éditions
Le Trotteur et
Les Presses Mondiales, qu’il domicilie au 5 rue des Moulins, délaissant alors les locaux de la rue d’Hauteville.
C’est dans les locaux laissés vacants par
Roger Dermée que les
Éditions des Remparts, une importante maison d’éditions lyonnaise spécialisée alors dans la BD pour la jeunesse, viennent y installer leur antenne parisienne, sous l’enseigne des
éditions de La Flamme d’Or.
Les différentes lignes éditoriales de cette maison d’éditions sont répertoriées sur le forum à l’adresse :
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t2826-editions-de-la-flamme-d-or?highlight=flamme+d Un certain
R. Ménager sera le directeur de publication de deux revues mensuelles de romans dessinés publiées par
La Flamme d’Or :
Amor Film (deux numéros seulement) et
Frissons.
Fin 1952, les
éditions du Carquois déménagent du 2 rue Viarmes - Paris 1er pour rejoindre le 19 de la rue d’Hauteville. Ces éditions ont été créés en 1951 avec la collaboration de
Georges Degandt (encore une connaissance de
Roger Dermée), après avoir repris les publications des
éditions STAEL de Toulouse.
Marius Costes, déjà directeur/administrateur des
éditions des Remparts, en assure la direction {4}; sans oublier
Louis Carrière, l’illustrateur attitré du Carquois, lui-même faisant fonction de directeur artistique aux
éditions des Remparts. Pas étonnant donc que
“Le Carquois” rejoigne
La Flamme d’Or rue d’Hauteville.
Les différentes lignes éditoriales des éditions du Carquois sont présentées sur le forum aux adresses suivantes :
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1258-collection-deux-heures-de-mystere-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1284-collection-deux-heures-de-passion-editions-du-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1257-collection-deux-heures-d-aventures-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1310-collection-deux-heures-d-extase-editions-du-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1256-collection-deux-heures-de-voyages-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t2013-collection-amor-amor-edition-du-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1272-collection-detect-sport-editions-du-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t1203-collection-falbalas-stael-carquois?highlight=carquois
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t2196-coll-le-carquois-ed-arc-en-ciel?highlight=carquoisEn mai 1953, Les
éditions du Carquois démarrent la publication d’une revue bimensuelle « cinéma » -
Amor Film “nouvelle série” - domiciliée au 19 rue d’Hauteville, avec là encore
R. Ménager, cette fois-ci comme gérant. En octobre 1953, ce sera le démarrage d’une série bimensuelle illustrée consacrée aux aventures des
Trois Scouts de
Jean de la Hire, et en 1954, celui d’une série bimensuelle de films complets en photos pour « tous les jeunes », sous le titre
Junior, un titre autrement connu à la même époque pour ses récits complets pour la jeunesse.
En 1954, les
éditions André Jaeger, domiciliées depuis leur création en 1952 rue Friant dans le 14ème arrondissement de Paris, viennent rejoindre le 19 de la rue d’Hauteville, pour y poursuivre la publication des ouvrages de leur auteur « maison »
Jean de la Hire . Elles vont même étoffer leurs collections par
deux revues mensuelles, l’une « policière », l’autre « western », réalisées pour partie avec des traductions de nouvelles américaines. Ces deux revues n’auront toutefois qu’une durée éphémère, disparaissant après leur sixième numéro. Là encore, c’est
R. Ménager qui assure la direction de la publication.
Les
éditions André Jaeger changeront de nom dès l’été 1954 pour passer sous l’intitulé des
éditions d’Hauteville.
Les différentes lignes éditoriales des
éditions André Jaeger/d’Hauteville sont présentées sur les forums BDFI et Litt’Pop’ aux adresses suivantes :
http://forums.bdfi.net/viewtopic.php?id=2190
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t2193-super-policier-magazine?highlight=super+policier+magazine
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t2848-revue-super-western-magazine-andre-jaeger?highlight=andr%E9+jaeger
https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t214-collection-serie-mousquetaire-d-hauteville?highlight=hauteville Courant 1955, les
éditions de La Flamme d’Or se préparent à repasser sous la coupe de leur maison mère des
éditions des Remparts à Lyon. Les
éditions du Carquois sont elles aussi absorbées par les
éditions des Remparts et les
éditions d’Hauteville disparaissent, après avoir « repackagé » quelques invendus en les regroupant par deux volumes.
Notes :{1}
Parmi les nombreuses imprimeries avoisinantes, citons L’Imprimerie Moderne de la Presse – 55 rue du Faubourg Saint-Denis ; la SLIM – 37 boulevard de Srasbourg ; la CIT – 99 rue du Faubourg Saint-Denis ; …{2}
Propos rapportés par Yvon Chotard à Frank Evrard.{3}
L’anecdote est rapportée par Paris Match dans son n° 730 du 06 avril 1963, dans un article sur Jean Bruce publié après le décès accidentel du romancier.{4}
Information tirée du site Wikipf.net.TontonPierre, avec la collaboration de
Frank Evrard.