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| Alfred Mortier | |
| | Auteur | Message |
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chachakk Yanez
Nombre de messages : 2217 Date d'inscription : 29/09/2014
| Sujet: Alfred Mortier Mer 13 Fév - 21:23 | |
| Je n'ai rien trouvé sur lui en faisant une recherche (mais il est vrai que soit le moteur de recherche du forum n'est pas très efficace, soit je ne sais pas l'utiliser correctement), aussi, j'ouvre un fil pour cet auteur.
Certes, ce n'est pas le premier auteur auquel on pense quand on évoque la littérature populaire, il était plus enclin à produire de la poésie ou des pièces de théâtre, mais ne serait-ce que pour son personnage d'inspecteur Mic, il méritait, je trouve, qu'on l'évoque sur ce forum.
On trouve quelques informations sur lui sur Wiki, dont le fait qu'il est né le 9 juin 1865 à Baden-Baden, qu'il a été naturalisé français en 1900, qu'il a été fait chevalier de la Légion d'Honneur en 1930 et qu'il est mort le 24 octobre 1937 à Paris.
Mais si c'était pour donner les mêmes informations que l'on trouve facilement ailleurs, cela n'aurait pas d'intérêt.
J'ouvre ce fil principalement pour mettre en ligne deux articles sur l'auteur : | |
| | | chachakk Yanez
Nombre de messages : 2217 Date d'inscription : 29/09/2014
| Sujet: Re: Alfred Mortier Mer 13 Fév - 21:29 | |
| Le premier article fait suite à son décès et il est paru le 25 octobre 1937 dans « L'Éclaireur de Nice » : Alfred Mortier est mort Avec une douloureuse surprise, nous avons appris, dans la soirée d’hier, la mort de notre éminent confrère et ami Alfred Mortier, emporté par une septicémie généralisée. L’an dernier, Alfred Mortier avait été sérieusement malade et avait donné des inquiétudes à son entourage ; mais il avait triomphé de l’épreuve et paraissait entièrement et définitivement rétabli.
Hélas ! il n’en était rien et, aujourd’hui, nous voici en deuil d’un ami fidèle, dont l’indulgence et le tact étaient également exquis. Nous pleurons encore la disparition d’un écrivain qui, ennemi du vain tapage, poursuivit son œuvre dans la délectation de la recherche aiguë de la perfection, trouva l’estime des lettrés et la faveur du public sans avoir jamais essayé de violenter l’une et l’autre et qui honora les Lettres françaises par un œuvre nombreux, considérable et de très haute qualité.
Poète Alfred Mortier se révéla, au temps du symbolisme, par une précieuse plaquette de vers, éditée au « Mercure de France » : « La Vaine Aventure », et qui, tout en rendant un son verlainien, était marquée d une personnalité très originale. Depuis, Alfred Mortier donna successivement et à des intervalles assez longs : « Le Temple sans Idoles » et « Le Souffleur de Bulles », recueil de poèmes d’une forme classique et dans lesquels, mêlée à une ironie souriante, se trouve une très sereine et très humaine philosophie.
Le théâtre, dont il avait le sens inné, comme en témoigne sa « Dramaturgie de Paris », ne manqua pas de l'attirer et, après « La Fille d’Artaban », fantaisie satirique jouée au Théâtre libre ; après « La Logique du Doute », sensible et pénétrante « variation » sur le scepticisme, il tenta, avec un succès incontestable, la rénovation de la tragédie et fit jouer à l'Odéon, au Théâtre de Carthage, Théâtre de Monte-Carlo, aux Arènes de Béziers à Saintes : « Marius vaincu », « Scylla » et « Penthésilée ». Revenant à une forme dramatique plus moderne il donna le drame de « Machiavel » au Théâtre des Arts avec un succès triomphal, succès qui avait déjà couronné, au même théâtre, « Le Divin Arétin », où était évoquée avec une vérité et une force saisissantes l’atmosphère du XVIe siècle italien. Notons encore « Sakountala », drame, et la charmante comédie, « Le Goût du Risque »
Alfred Mortier, dont les critiques dramatiques dans divers journaux parisiens avaient un public justement fidèle, publia d'importants travaux de critique et aussi d'exégèse littéraire. Le plus important est certainement sa remarquable étude sur Ruzzante, auteur de comédies populaires en dialecte padouan, qu’il ressuscita, en quelque sorte, à l’admiration des lettrés italiens, dont il reconstitua la langue et dont il donna une traduction d'une verdeur remarquable. Une « Introduction » au « Faust » de Gœtthe constitue un travail extrêmement poussé et subtil de la pensée gœthienne.
Ajoutons que ce dramaturge, ce poète, cet écrivain (qui, récemment, se divertit à composer quelques « récits de détective » qui l’apparentent aux maîtres du genre), se mêlait avec plaisir au siècle. Amateur passionné de musique, il était, ancien auditeur au Conservatoire de Paris, un violoncelliste qui aurait pu faire une carrière de virtuose, un escrimeur à la lame redoutable, un joueur de billard étincelant qui détint un long temps le titre de champion d’Europe du noble jeu.
Alfred Mortier était notre concitoyen et il avait vécu longtemps à Nice avant de se fixer à Paris, quelque temps après son mariage avec la veuve du peintre Cyrille Besset, née de Faucamberge, et qui s’est fait, comme on sait, une grande et juste réputation d’écrivain et de sociologue sous le pseudonyme d'Aurel.
Alfred Mortier était chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de la Couronne d’Italie. Il était le frère de Robert Mortier, le peintre bien connu, et le cousin de notre confrère Pierre Mortier.
C’est avec une douloureuse émotion que nous saluons la mémoire de ce bel écrivain, de cet ami sans défaut, en notre nom et au nom d’une maison dont il fut, un temps, un des collaborateurs les plus goûtés.
Devant l’immense douleur de sa veuve et des siens, dont nous partageons la peine, nous nous inclinons avec le plus affectueux respect. GEORGES AVRIL. | |
| | | chachakk Yanez
Nombre de messages : 2217 Date d'inscription : 29/09/2014
| Sujet: Re: Alfred Mortier Mer 13 Fév - 21:54 | |
| Le second article, paru dans le même journal un an exactement après la mort de l'auteur est signé du même journaliste : Le 24 octobre 1937, Alfred Mortier mourait à Paris, dans son hôtel de la rue du Printemps dont, avec sa femme, l’ardente et généreuse Aurel, il avait fait une demeure d’artiste et de philosophe et que tous deux ornaient des grâces les plus authentiques de l’esprit. Un an a passé, depuis que nous avons appris la douloureuse nouvelle et que nous avons rendu à la mémoire du cher et grand disparu un hommage aussi sincère que juste. Depuis, il n’a pas été de jour que notre souvenir n’ait évoqué celui qui fut un ami rare, qui fut, au-dessus de tant d’autres plus que lui favorisés par la gloire contemporaine, un grand serviteur des lettres et de la pensée françaises. En ce jour anniversaire, où nous mesurons tout ce que nous avons perdu en le perdant ; où nous voudrions associer le témoignage de Nice, où il vécut de nombreuses années, à qui il était toujours resté fidèle et qui, peut-être, ne le connaissait pas à sa taille, aux témoignages que lui rendront, que lui ont déjà rendus ses pairs comme ses disciples, nous touchons la difficulté de concilier l’amitié, qui s’émeut au rappel des vertus de l’homme privé, et l’admiration qui s’enchante et s’exalte à la lecture, à l’analyse, à la méditation de l’œuvre abondant, varié, de pure et noble substance qu’il nous a laissé pour notre joie, pour notre enseignement. Comment ne pas craindre qu’on ne suppose notre admiration pour l’écrivain, pour le philosophe, pour le poète influencée par notre tendresse pour l’ami précieux et constant qui n’est plus ? Pourtant celle-ci était bien postérieure à celle-là, qui date des poèmes, un peu recherchés — le symbolisme ! — mais à profonde résonance, de la Vaine aventure. L’homme... Alfred Mortier naquit le 9 juin 1865 à Bade (Grand-Duché) ; son père, Henry Mortier, Hollandais, appartenait à une vieille et honorable famille Israélite d’Amsterdam ; sa mère, née Virginie Heyman, était Lorraine, de Lamarche (Vosges). En 1874, les deux époux, qui avaient fondé à Bade une florissante maison de modes, décidèrent de la transporter à Nice, où elle ne tarda pas à s’attacher la clientèle de toutes les riches et élégantes hivernantes de la Riviera française. C’est ainsi qu’Alfred Mortier fit ses études, très brillamment, au lycée de Nice. C’est ainsi, que dès son entrée au lycée, il révéla sa généreuse sensibilité. Une anecdote à ce propos, que rapporte Thierry Sandre dans le Mercure de France, mérite d’être connue : « À neuf ans, écrit Thierry Sandre, il provoqua en duel un voyou de sa classe parce qu’il avait barbouillé d’encre la chaise de leur maître, excellent et pas riche, qui portait ce jour-là un beau pantalon blanc. « J’étais écœuré, dit Mortier ». Les enfants se rossèrent au bâton. Le maître ne le sut jamais... »Cet appétit de justice, de pitié, de bonté n’abandonna jamais Alfred Mortier. Ses familiers le reconnaissaient dans ses propos ; plus tard, il emplira son œuvre, lui donnant ce sens de l’humain qui est un de ses plus remarquables caractères. Sorti du lycée, il va à Paris, fait son Droit, revient licencié. Tout jeune il avait appris le piano et le violoncelle. Il suit, comme auditeur libre, les cours du Conservatoire, devient un parfait musicien. Il abandonnera un jour la musique pour la littérature, mais en restera un amant passionné et intelligent. À Nice, parmi les nombreuses amitiés qu’il ne tarde pas à nouer, il convient de citer celle de Cyrille Besset, le peintre des oliviers et de Cagnes, et de sa femme, Aurélie de Faucamberge, qu’il épousera en 1906 et qui après avoir débuté par une exquise plaquette, Sans halte, illustrera comme on sait le pseudonyme Aurel. Il publie la Vaine aventure en 1894 et, en 1897, débute au théâtre avec la Fille d'Artaban. Entre temps, il s’intéresse au billard et y devient rapidement d’une telle force qu’il remporte le championnat amateur de billard. Beaucoup, à Nice, qui ignorent le poète, admirent le disciple de Chamillard. Marcellin Desboutins qui fait son portrait, reçoit de lui un exemplaire de poèmes : « Que ne les ai-je eus plus tôt ! s’exclame-t-il ; je ne vous aurais pas fait un portrait de caramboleur ! » Modestie et discrétion : Alfred Mortier se réservait... Il s’abandonnait pourtant dans les conversations amicales, qu’il enrichissait des trésors d’une érudition s’exprimant en mots simples, en intonations souriantes, sans la moindre pédanterie ; il exprimait ses avis toujours pertinents et personnels, tantôt avec une ironie sans amertume, le plus souvent avec une aimable indulgence... Et toujours avec netteté, avec des références précises et sûres : sa mémoire était infaillible. Notons encore qu’il possédait un sens très fin du journalisme, comme il le prouva par les chroniques qu’il donna dans ce même journal où nous écrivons et par la fondation, à Monaco, du Petit Monégasque qu’il dirigea personnellement pendant plus de dix ans. L’écrivain... Il est de la plus grande classe et il a marqué de sa personnalité, de sa maîtrise, tous les genres dans lesquels il s’est essayé. Poète, nous lui devons la morbidesse, la langueur, le charme de la Vaine aventure ; la maturité amoureuse, les élans, la fantaisie, la reconnaissance, la philosophie éblouie de Le Temple sans idoles, au titre splendide et dont Caraguel disait : « Nous n’avons rien eu de si original, de si neuf, de si labourant dans la poésie de l’amour depuis cinquante ans. » Nous lui devons, alors qu’il avait dépassé la soixantaine, une soixantaine « royale », les accents tour à tour désespérés et croyants du Souffleur de bulles où il domine la plus haute métaphysique, où il a écrit ses vers les plus pleins et les plus musicaux : Et verra-t-il enfin, de celle qu’il poursuit, Le pur, le merveilleux, le terrible visage Dont le rayonnement désagrège la nuit ?Et, dans son admirable Voyage à travers les mondes et les sphères, dans lequel il s’égale à Vigny, mais à un Vigny plus subtil, plus nuancé, ayant ses entrées dans le mystère : ...Mais il faut vouloir grand, dépasser [la nature ;
Il faut espérer haut ou bien n’espérer [rien.
Les ciels que tu créeras seront à ta [mesure
Et ton éternité n’a que toi pour soutien.
Homme de théâtre, il le fut jusqu’à la moelle. Le seul manuel d’esthétique dramatique que nous possédions est de lui : « La Dramaturgie de Paris » ; il y défend, avec une conviction ardente, le théâtre des grandes œuvres : « Le théâtre réaliste voit juste, dit-il ; mais il a la vue courte. Les vrais réalistes ce sont, ce seront toujours les poètes. »
Il a, avec un succès confirmé à l'Odéon, au Théâtre des Arts, à Monte-Carlo, aux arènes de Béziers et de Saintes, tenté une majestueuse, contemporaine et vivante résurrection de la tragédie : Marius vaincu (1910), Sylla (1913), Penthésilée (1922) et Déjànire (1937). Il vint ensuite, et avec un succès éclatant de grand public, à la pièce historique en prose : en 1930, Le divin Arétin ; en 1931, Machiavel. En 1934, une délicieuse, ironique et subtile comédie, Le Goût du risque, ravit les plus difficiles. Mais, œuvre capitale, véritable tour de force, on lui doit, notamment l’Italie lui doit, la révélation de Angelo Beolco, dit « Ruzzante », dont, pour faire connaître les œuvres comiques, il dut reconstituer le dialecte padouan rustique du xve siècle. Il a écrit une étude définitive sur l’art et la verve de Ruzzante, traduit et rendu intelligible son œuvre, de telle sorte que c’est à lui que les Italiens recourent quand ils veulent lire leur Ruzzante. Enfin, une Introduction au Faust de Goethe, pénétrante, nourrie d’idées encore non exprimées et riche de suggestion est devenue un ouvrage de bibliothèque auquel doivent se référer tous ceux qui abordent l’œuvre mystérieuse. Nous pourrions citer longuement encore parmi les trente volumes qui composent son œuvre ; mais nous disposons d’un cadre trop étroit, d’autant qu’il est impossible de citer une œuvre de Mortier sans sentir la nécessité de la commenter. Toutefois, nommons ses Etudes italiennes, son Le Démon dans ses incarnations dramatiques, son recueil de critique, Quinze ans de théâtre, son recueil de notes et de pensées, Marginales, et, enfin, divertissement d’un esprit plié aux plus hautes spéculations, ses nouvelles policières, Les Enquêtes de l'inspecteur Mic, qui le montrent égal aux plus célèbres maîtres du genre. *** Il y a un an qu’Alfred Mortier nous a quittés... Les notes ci-dessus, forcément concises, incomplètes, suffiront-elles à démontrer au public, dont sa modestie, sa discrétion ne voulurent jamais forcer l’attention par des procédés que tant d’autres n’hésitent pas à employer, que c’est bien un puissant et magnifique et pur écrivain que la France a possédé et que, hélas ! elle a perdu ?... Nous voulons l’espérer. Georges Avril | |
| | | pfinge Zigomar
Nombre de messages : 6395 Date d'inscription : 13/08/2007
| Sujet: Re: Alfred Mortier Mer 13 Fév - 22:25 | |
| Je ne connaissais pas et je confirme son absence (jusqu'à ton intervention ce jour ) du forum. Mais , finalement, à part "les enquêtes de l'inspecteur Mic" parues en 1 seul ouvrage ( en 1937 année de sa mort ?) , a-t'il écrit autre chose dans le domaine populaire ? | |
| | | chachakk Yanez
Nombre de messages : 2217 Date d'inscription : 29/09/2014
| Sujet: Re: Alfred Mortier Jeu 14 Fév - 14:04 | |
| - pfinge a écrit:
- Je ne connaissais pas et je confirme son absence (jusqu'à ton intervention ce jour ) du forum.
Mais , finalement, à part "les enquêtes de l'inspecteur Mic" parues en 1 seul ouvrage ( en 1937 année de sa mort ?) , a-t'il écrit autre chose dans le domaine populaire ? Je ne crois pas, mais comme le disait si bien Georges Avril dans ses articles, cette incursion dans le monde policier est à la hauteur de bien d'autres auteurs plus confirmés dans le genre. | |
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