Qu'en pensez-vous ?
"Avec délectation, je dévisageais les traits faciaux de ma vis-à-vis. Ses lèvres, légèrement pulpeuses, m’émerveillaient. Ses yeux, que je n’avais pu entrevoir qu’un instant, me momifièrent presque. Je restais là, pantois, assis sur une banquette à détailler cette sylphide comme si c’était la première fois que j’en voyais une. Elle, elle feuilletait un magazine de mode et semblait indifférente à la persistance de mon regard. Très certainement, elle était habituée et peut-être même blasée, de cette gente masculine qui roucoulait à ses pieds.
Pour voiler le trouble qui m’envahissait, je jetai un coup d’œil à travers la vitre. Le train roulait toujours à grande vitesse. Des immeubles gris, parfois maculés de noir, défilaient. Nous pénétrions dans la banlieue.
Comme l’image d’un rétroprojecteur, un visage en filigrane, inséré par mon esprit, s’imposait, s’affichait même sur les murs qui bordaient la voie ferrée. C’était celui de ma belle voisine de voyage. Mes yeux se portèrent à nouveau sur elle et se régalèrent de ses courbes parfaites que ses vêtements moulants dévoilaient quelque peu. Mon regard s’enhardit en essayant de s’incruster dans le haut de l’échancrure de sa blouse. Celle-ci offrait un pétale de peau blanche qui m’enivrait de coquines pensées érotiques. Je m’imaginais en train de caresser cette zone lisse avant de plonger ma main dans sa gorge. Grisé par ses pensées, le désir s’éveilla en moi et mourut tout aussi subitement. Le freinage brusque du train entraîna mon poids vers l’avant et mon crâne heurta une barre de fer. Mon corps s’affaissa et ma tête se posa, comme mues par des relents de mon désir, sur les deux cuisses de ma belle. Je ne pus, cependant, guère profiter de ma position, car un voile de noirceur s’impatronisa dans mon cerveau."[b]