Nombre de messages : 6184 Age : 55 Localisation : Beaujolais et Coutançais Date d'inscription : 10/10/2007
Sujet: Editions Roger Seban Ven 31 Oct - 10:21
Que sait-on de cet éditeur, corrigez-moi si je me trompe, ami de Roger Dermée, mort assassiné au bois de Vincennes ? J'ai recensé les collections suivantes :
ESPIONNAGE
N° 2 (1953) J. Campocasso : Le pur-sang assassiné (Les enquêtes du commanadant d'Alverney) (avec une couverture illustrée par Brantonne)
Cette collection a ensuite été reprise, sous l'intitulé ESPIONNAGE - AVENTURE - POLICE aux éditions des Roses (Chevilly-Larue), sous la direction de Jean Campocasso lui-même (au moins 18 titres parus)
SEXY-NOIRE Collection dirigée par René Poscia & Maurice Perisset
N° 2 (1953) M. Perisset : Chair cruelle
N° 3 (1953) Harry Fax : L'amour à Tampico 190 p.
HORS COLLECTION
GHILINI Hector : La troisième guerre mondiale durera 6 heures. sans date, 111 p. Jaquette illustrée
BOULANGIER Pierre : Tocsin De L'ère Nouvelle. Etats-unis D'europe Occidentale + Solidarisme Mondial 1948, 363 p.
TCHIRSKOV, Boris: Le tournant décisif. Adaptation française de E. Cary. 1948, 157 p. Concerne la bataille de Stalingrad.
Clément Richer : Les femmes préfèrent les brutes 1949, 179 p. Couverture illustrée par Jean Abegg
Théodore Valensi: L'héroique douleur de Maître Cyril Belgrand 1953, 250 p.
herbulot Collectionneur, Chercheur, Passionné
Nombre de messages : 4014 Localisation : l ardenne profonde Date d'inscription : 06/10/2006
annoncé: Plein son bikini (Fred Rooper) fut annoncé aussi Raoul Anthony,donc Jean Normand car ce titre aussi dans "Pigall" (éditions A.D) en 54.
arzam Zigomar
Nombre de messages : 7920 Localisation : Au fil de la Loire en Touraine Date d'inscription : 03/09/2007
Sujet: Re: Editions Roger Seban Dim 25 Jan - 17:40
elle a énervé Papa.... et voilà le résultat
pepere Géronimo
Nombre de messages : 322 Date d'inscription : 06/07/2008
Sujet: Re: Editions Roger Seban Lun 3 Juin - 18:15
Au dos de 2 - CHAIR CRUELLE, annoncé L'EXIL DE L'AMOUR par James NILSON Est-il paru ? Comment ajouter une image ?? J'ai le scan de la couverture de ce N° 2
pfinge Zigomar
Nombre de messages : 6395 Date d'inscription : 13/08/2007
Sujet: Re: Editions Roger Seban Lun 3 Juin - 20:32
Je ne sais pas , mais les belles images font cruellement défaut 1 Opération pin-upRudy Gairlaine 1953 2 Chair cruelleMaurice Périsset 1953
pepere Géronimo
Nombre de messages : 322 Date d'inscription : 06/07/2008
Sujet: Re: Editions Roger Seban Lun 3 Juin - 20:42
C'est l'image que je possède (en fait, je possède le livre) Bon, vous l'avez mise, cela m'évite des tracasseries Bonne soirée pepere
pcabriotpi83 Todd Marvel
Nombre de messages : 876 Age : 79 Localisation : Derrière Versailles Date d'inscription : 03/04/2008
Sujet: Roger Seban - 1918-1955 - Éditeur Ven 19 Juil - 22:10
Roger Seban – 1918-1955, Éditeur
Dans son post du 31 octobre 2008 (presque 5 ans déjà !) l’ami Maciste ouvrait le topic des Éditions Roger Seban, du nom d’un éditeur qu’il présentait comme un ami de Roger Dermée, et qui aurait connu une fin quelque peu… “tragique” !
Si l’on cerne assez bien les différents ouvrages qu’il édita, entre 1946 et 1953, on sait très peu de choses sur Roger Seban lui-même, les quelques informations qui nous sont accessibles sur le personnage étant celles qui proviennent, d’une part, des minutes du procès intenté pour outrages aux bonnes mœurs contre le roman Chair Cruelle de Maurice Périsset qu’il édita en mai 1953, et d’autre part et surtout, des informations distillées par la presse écrite à la suite d’un double assassinat dont il fut l’une des victimes.
De son vrai nom Roger David Laaban, né à Marseille en 1918, il fut marié et père d’un enfant. Au milieu des années 1950, il logeait seul, à la petite semaine, dans des hôtels à Paris.
En travaillant sur son nom via les sites de généalogie, on découvre que Laaban est un nom de famille rare, qui provient d’un nom d’origine biblique, et qu’un certain nombre de Laaban ont pris Seban comme nom d’emprunt - un nom arabe souvent porté par des juifs d’Afrique du Nord. Il est probable que notre Roger David Laaban prit le nom de Seban comme nom d’emprunt au moment de la seconde guerre mondiale, pour cacher un patronyme à consonance judaïque fortement prononcée dans une France occupée par les nazis. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il resta caché pendant la guerre, puisqu’il entra dans la résistance, prenant des responsabilités sous le nom de code de « capitaine Gaillard »{1} .
Ci-dessus Roger David Laaban dit Seban (cliché Le Parisen Libéré), et le logo de sa maison d’éditions fin des années 1940. Fluctuat nec mergitur ?… pas si sûr !
Le premier titre où l’on voit apparaître Roger Seban sur la couverture d’un ouvrage est L’Héroïque douleur de Maître Cyril Belgrand, de Théododre Valensi, publié en mai 1947 aux Éditions E.I.P - Roger Seban.
Les Éditions E.I.P. (Éditions Internationales de Presse et de Publicité) sont alors domiciliées au 14 de la rue Clapeyron - Paris 8, dans un immeuble de caractère à usage d’habitation - peut-être l’adresse personnelle de l’éditeur à cette date. Elles sont déjà actives, du moins sur le volet “Presse” de leur intitulé, depuis 1946, avec une revue / document historique et politique de quelques dizaines de pages : Les Documents de notre temps{2}. Sur le volet “Publicité” de la société, rien ne semble avoir filtré. On relèvera cependant qu’au moment de l’enquête, en 1955, sur le double assassinat dont Roger Seban fut l’une des victimes, les journaux firent mention de sa fonction de publiciste. Les Éditions E.I.P. ont-elles été créées par Seban lui-même ? ou Seban a-t-il repris en son nom propre dès 1947 les Éditions E.I.P. ? Rien ne permet de privilégier l’une ou l’autre de ces suppositions. Les premiers titres des Documents de notre temps{3}, publiés en 1946 et 1947, sont estampillés « Éditions E.I.P. », alors que le sixième et dernier titre, publié également en 1948, porte le label des Éditions Roger Seban.
Un second titre paraît fin 1947, cette fois-ci estampillé Éditions Roger Seban tout court : L’Amour tel qu’on le parle, Idylles et ironies, d’Augusto de Castro (de l’Académie Portugaise et de l’académie Brésilienne de Lettres), traduit du portugais par Maria Croci. C’est tout pour 1947{4} , sauf si l’on met dans l’escarcelle de Seban les deux Documents de notre temps parus cette année-là.
Ci-dessous, les deux titres de 1947 créditant Roger Seban comme éditeur : L’héroïque douleur de Maître Cyril Belgrand, de l’avocat et ancien député Théodore Valensi ; et L’amour tel qu’on le parle, de l’académicien portugais Augusto de Castro.
En 1948 sont édités trois nouveaux titres : Le Tournant décisif - de Boris Tchirskov (mars 1948), d’après le film soviétique de Ermler sur la Bataille de Stalingrad ; Tocsin de l’ère nouvelle - de Pierre Boulangier (juin 1948), un plaidoyer pour les Etats-Unis d’Europe et le Solidarisme mondial ; et Les Lois économiques nous disent (juin 1948), un livre de 88 pages d’André Rouff sous forme de proposition de programme de gouvernement pour redresser économiquement la France d’après guerre. Rien de très intéressant dans tout ça pour alimenter nos échanges sur notre forum dédié à la littérature populaire.
Ci-dessous, deux des trois titres publiés en 1948 sous la marque d’édition Roger Seban. Les couvertures vont recevoir dorénavant une illustration.
En 1949 ne paraît qu’un seul titre, mais plus proche de nos centres d’intérêts, puisqu’il s’agit d’un roman noir : Les Femmes préfèrent les brutes, de Clément Richer, avec couverture illustrée dans le genre de ce qui se faisait à l’époque pour accrocher la clientèle.
Enfin, en 1950, sont publiés deux titres signés Hector Ghilini : une approche apocalyptique du danger atomique sous le titre : La Troisième guerre mondiale durera 6 heures, et La Suède, pays social. Ce dernier titre, de 52 pages, aurait pu être intégré dans la collection Les Documents de notre temps, si cette dernière ne s’était éteinte en 1948. La domiciliation de la maison d’éditions est passée de la rue Clapeyron au 10 de la rue des Pyramides, dans le premier arrondissement de Paris.
Ci-dessous : L’unique titre publié en 1949 – Les femmes préfèrent les brutes, de Clément Richer (janvier 1949) - couverture illustrée de Jean Abegg ; et La troisième guerre mondiale durera 6 heures, d’Hector Ghilini,(juillet 1950) - dernier titre de ce premier pan de publication des Éditions Roger Seban.
Ce sera tout pour cette année-là, puis rien en 1951, pas plus qu’en 1952. Visiblement, Roger Seban a du mal à faire décoller son affaire. Où sont ses compétences de publiciste pour aider au développement de sa maison d’éditions ? Il faut dire que le registre de ses titres n’est pas des plus percutants. Il n’y a pas de “collection” (à part celle des Documents de notre temps, arrêtée depuis 1948), donc pas de moyen de fidéliser un lectorat. Et il est évident que deux ou trois titres par an ne suffisent pas à faire tourner une maison d’éditions. C’est donc en 1950 que le rideau va se baisser sur la fin du premier acte des éditions Roger Seban. Mais pendant le baissé de rideau, un “sauveur” va intervenir pour assurer un deuxième acte. Un sauveur qui, comme beaucoup de ces sauveurs “providentiels”, précipitera la faillite de l’affaire. Un certain R.D…
(à suivre...)
Notes: {1} Selon les informations diffusées par la presse, lors de l’enquête sur son assassinat. Il aurait été dans la Résistance le chef notamment d’un homme, un ami, qui fut la seconde victime de ce double assassinat On trouve sur la toile quelques références à ce “capitaine Gaillard”, nom de code tiré de Gaillard, une ville proche de Thorens en Haute-Savoie, où “capitaine Gaillard” semble avoir été le chef du secteur et y avoir supervisé plusieurs opérations de sabotage. {2} La collection comportera 6 titres : Ce que sera l’Europe dans cinq ans (traduit de l’anglais) - 1946 ; La diplomatie secrète des Monopoles internationaux (traduit du russe) - 1946 ; Les Francs-Tireurs et Partisans Français et l’Insurrection Nationale - 1947 ; Les libertés politiques en U.R.S.S. (traduit du russe) - 1947 ; Les organes supérieurs du pouvoir en U.R.S.S. (traduit du russe) - 1948 ; Franco contre l’Espagne - 1948 - ce dernier titre devant être réédité en 1975 aux éditions Germinal. {3} Le nom de collection attaché au premier titre fut « Les documents de notre époque », et non « Les documents de notre temps ». {4} Plusieurs ouvrages, pourtant répertoriés comme étant édités par les Éditions Roger Seban, en quatrièmes de couvertures de certains titres, n’ont pu être retrouvés, ni à la BNF, ni sur les sites de ventes de livres d’occasion. Il s’agit de Le Déjeuner de Moissac, de Jacques Nels, de Pour Copie conforme, de Léonie Dolléans et de Une nuit…, d’Augusto de Castro, traduit du portugais par Jean Duriau. Par ailleurs, l’ouvrage L’Héroïque douleur de Maître Cyril Belgrand indique, parmi les volumes à paraître signés Théodore Valensi, le titre Diamants, à paraître aux éditions Roger Seban (qui ne sera pas édité), et le titre Destin qui, lui, paraîtra aux éditions des Nouvelles Presses Mondiales de Roger Dermée en 1956.
TontonPierre
Dernière édition par pcabriotpi83 le Ven 26 Juil - 21:01, édité 1 fois
Maciste Zigomar
Nombre de messages : 6184 Age : 55 Localisation : Beaujolais et Coutançais Date d'inscription : 10/10/2007
Sujet: Re: Editions Roger Seban Sam 20 Juil - 14:22
Voilà un excellent historique, comme toujours! On attend la suite avec impatience! Si mes souvenirs sont bons, c'est d'ailleurs TontonPierre himself qui était à l'origine de ce questionnement sur Roger Seban...
pcabriotpi83 Todd Marvel
Nombre de messages : 876 Age : 79 Localisation : Derrière Versailles Date d'inscription : 03/04/2008
Sujet: Les éditions Roger Seban Ven 26 Juil - 21:02
Les éditions Roger Seban – Acte II – scène 1
Le rideau se lève pour le deuxième acte des éditions Roger Seban au premier trimestre 1953 sur une pin-up de Guy Mouminoux pour un roman de René Poscia signé Rudy Gairlaine : Opération pin-up. C’est le premier titre d’une collection “Sexy-Noire” dirigée par René Poscia et Maurice Perisset, deux transfuges des éditions CPE de Pierre Pic. Si la marque d’édition reste celle de Roger Seban, le logo de la maison d’éditions avec le radeau-livre flottant sur l’eau a disparu. Le siège est maintenant domicilié au 2 de la rue Guisarde dans le sixième arrondissement de Paris et l’imprimerie partenaire pour ce premier titre est celle des Impressions des Roses à Chevilly-Larue, dans la banlieue sud de Paris.
Ci-dessous, Opération pin-up, premier titre des “nouvelles” Éditions Roger Seban L’éditeur est “discrètement” référencé R.S. sur le dos de l’ouvrage.
C’est un virage à 180 degrés par rapport aux publications antérieures ! Quid ou Qui derrière cela ?
La réponse est un homme : Roger Dermée, le sempiternel conseiller et/ou associé, toujours dans l’ombre, des petits éditeurs. Celui qui “saute” sur tout ce qui édite avec plus ou moins de succès {1}. Dans un entretien avec Frank Evrard au milieu des années 1980, Roger Dermée précisera que Roger Seban n’avait pas la carrure nécessaire pour faire tourner une maison d’éditions.
Ce qu’il faut, ce sont des collections dans les genres où il y a de la demande. Avec des couvertures illustrées et accrocheuses. A parution régulière - mensuelle si possible. Le tout dans un format de poche, standard en dimensions et en nombre de pages, au prix du marché. Ce qui marche, c’est le sexy, l’espionnage, l’aventure, voire le western…
Alors allons-y ! Pour le sexy, on crée une collection "Sexy-noire" qu’on confie à deux romanciers qui se connaissent bien et qui ont déjà œuvré dans la matière : René Poscia et Maurice Périsset. Périsset a déjà publié ces dernières années quelques romans “légers”, notamment chez Pierre Pic, un éditeur que connaît très bien Dermée, et chez Berthe aux éditions La Tarente. Poscia, lui, a débuté par un érotique au Fleuve Noir en 1950, et écrit à la fois en espionnage et en érotique chez Pic, Dermée et Berthe. Pour démarrer la collection, on bascule tout simplement le titre Opération Pin-up, qui devait sortir à la CPE de Pierre Pic dans la collection La Mante, sur la toute nouvelle collection Sexy-Noire de Roger Seban. On prévoit que Poscia et Périsset se partageront l’écriture des premiers titres.
Ci-dessous, les deux prochains titres à paraître dans la collection Sexy-noire, annoncés dans le premier volume Opération pin-up : Les corps en feu, de Maurice Périsset, et L’Exil de l’amour, de René Poscia.
Pour l’espionnage, c’est un petit nouveau plein d’avenir qui va s’y coller : Jean Campocasso, qui fut pendant la dernière guerre commandant pilote aviateur dans l’Aéronavale puis spécialiste des services de Renseignements. Un Saint-Cyrien, issu de la même école que Pierre Nord connu pour ses romans d’espionnage. En réalité, Campocasso n’est pas novice dans l’écriture. Il a déjà publié sous le pseudonyme de Guy Duret deux romans : Meurtre au caveau du Roi, un roman d’espionnage publié en feuilleton dans la revue TAM {2} dès 1943, et L’Escadrille de la mauvaise chance, un roman d’aviation paru aux Lettres françaises à Beyrouth en 1945. Il a aussi dans ses cartons un roman d’aventure sur fond de rivalité Israël / Palestine : Tempête sur la terre sacrée {3}, un second roman avec un héros récurrent, le Commandant d’Alverney, ce qui est propice au déploiement d’une série de romans.
Ci-dessous, l’annonce des futurs romans à paraître dans la collection Espionnage, tous de Jean Campocasso, au verso du premier titre publié - Le Cadavre avait les yeux crevés - juin 1953.
Comment Jean Campocasso arrive-t-il aux éditions Roger Seban, l’histoire ne le dit pas. Peut-être via une piste corse, Jean Campocasso étant d’origine corse, et les dernières et précédentes publications de Roger Seban ayant été celles du corse Hector Ghilini, sans oublier qu’en 1953, Dermée était acoquiné avec un corse, Pierre Mattéi.
Pour la collection Aventure, présentée comme « paraissant tous les mois », Roger Dermée fait appel à Jean Normand, un auteur qu’il connaît bien, puisqu’il a fait rééditer quelques titres d’aventures de cet auteur parus chez Tallandier avant-guerre à la Société Européenne du Livre en 1948 et à La Porte Saint-Martin en 1950 ; et que Jean Normand écrit pour lui des érotiques pour son label Le Fétiche, sans oublier quelques titres dans la Série Blême des Éditions de la Dernière Chance, un autre label dans lequel Dermée a des intérêts. Pour son accroche publicitaire, la collection Aventure est qualifiée à la fois comme « rassemblant les meilleurs écrivains d’aventure et de voyage » et comme « une nouvelle formule du roman “sexy” ». C’est bien du Dermée, ça ! On mettra même Normand à la sauce des grands noms de l’histoire du crime, en annonçant Les Mystères du bagne, « l’histoire du crime de ces dernières années [qui] va paraître», sans toutefois préciser si ce sera une réédition compilée des fascicules des Mystères du Bagne publiés en 1924 ou une nouvelle écriture.
Et pour le western, on annonce « La nouvelle collection du célèbre héros de Duke Montana : John Lincoln Deadlight, (…) qui après avoir conquis le public américain sera, demain, votre Héros » une collection mensuelle traduite de l’anglais.
Ci-dessous, à gauche et au centre : annonce de la nouvelle “collection Aventure” et annonce de Les Mystères du bagne, insérées à la fin de Meurtre au Caveau du Roi, publié au 1er trimestre 1954. A droite : l’annonce faite dans Chair Cruelle (printemps ou été 1953) de la nouvelle collection DEADLIGHT, qui « paraît mensuellement ».
Pour les illustrations de couvertures, Roger Dermée place une fois de plus son chouchou de l’époque : René Brantonne. Toutefois, ce dernier n’étant pas un spécialiste de la pin-up, Dermée fait appel à Guy Mouminoux, qui travaille à ce moment-là pour lui sur des romans dessinés au lavis plus ou moins sexy, afin d’illustrer les couvertures de la collection Sexy-Noire, en lui imposant semble-t-il les couleurs de couverture : le noir et le rouge, les deux couleurs emblématiques pour ce genre de collection à cette époque.
Les collections commencent à être publiées courant 1953. Si Roger Seban apparaît comme l’éditeur en titre, il n’est en fait qu’un prête-nom, car le véritable manager est Roger Dermée. Certains participants à l’aventure ne connaîtrons Roger Seban que par ouï dire, comme René Poscia, pourtant un des directeurs de collection{4} ; d’autres ne connaîtront même pas son existence, comme Guy Mouminoux qui fournira ses originaux de couvertures sexy à Roger Dermée et qui sera payé par lui, et non par Roger Seban{5}.
Notes :
{1} On notera pour le cas qui nous intéresse la proximité géographique du 5 de la rue des Moulins, le fief de Roger Dermée, avec le 10 de la rue des Pyramides, l’adresse des Éditions Roger Seban à partir de 1950. {2} « TAM (Tunisie Algérie Maroc), l’hebdomadaire de l’Empire », édité à Alger entre 1942 et 1948, était un journal d’actualités pour les francophones d’Afrique du Nord. {3} Le roman sortira sous le titre Le Pur sang assassiné. {4} Selon entretien privé de TontonPierre avec René Poscia. {5} Selon entretien privé de Frank Evrard avec Guy Mouminoux.
TontonPierre
Dernière édition par pcabriotpi83 le Mer 7 Aoû - 22:28, édité 1 fois
pcabriotpi83 Todd Marvel
Nombre de messages : 876 Age : 79 Localisation : Derrière Versailles Date d'inscription : 03/04/2008
Sujet: Les éditions Roger Seban Ven 26 Juil - 21:03
Les éditions Roger Seban – Acte II – scène 2
En ce premier semestre 1953, tout commence bien… jusqu’au moment où les affaires de Roger Dermée vont, elles, commencer à aller mal, fin 1953. Roger Dermée met la clé sous la porte de ses propres maisons d’éditions, et il ne reste plus personne pour faire tourner les éditions Roger Seban. Les collections en train sont arrêtées, et celle qui était annoncée, la collection de westerns Deadlight, ne verra jamais le jour. Quant aux Mystères du Bagne, annoncés, ils resteront « mystérieux ».
La collection Sexy-Noire s’arrête à son troisième volume titré L’Amour à Tampico et signé Harry Fax (annoncé L’Exil de l’amour de René Poscia dans le premier n° de la collection), laissant le n°4 à paraître, de Fred Rooper / Raoul Anthony, Plein son bikini, sur le sable {1}.
Le N°3 le la Collection “SEXY-NOIRE” – (L’)Amour à Tampico (septembre 1953), annonçait à paraître le quatrième titre – Plein son bikini – de Fred Rooper, en page intérieure, et de Raoul Anthony, en quatrième de couverture. Faudrait savoir !
La collection Aventure n’ira pas au delà de son premier numéro titré Pirogues sur la Mana, les deux autres titres annoncés dans ce premier numéro étant repris par la suite : Jiss-Day fille de Surinam, par les jeunes éditions de La Flamme d’Or (avec là encore l’ombre de Roger Dermée), et Les belles jambes par les non moins jeunes éditions de l’Arabesque et leur patron Edmond Nouveau, qui a quitté depuis quelques mois seulement son poste de chef de fabrication chez Roger Dermée. Quant au titre L’Escadrille de la mauvaise chance, de Jean Campocasso (initialement publié en 1945), annoncé dans Meurtre au caveau du Roi comme publié aux éditions Roger Seban dans la collection Aventure, il sera publié au deuxième trimestre 1954 dans la collection “Aventure-Police-Espionnage” des Éditions des Roses née de la défunte collection Espionnage des Éditions Roger Seban.
Ci-dessous, la couverture complète de Pirogues sur la Mana, l’unique titre de la Collection Aventure qui fut publié. A droite, l’annonce de L’Escadrille de la mauvaise chance en page intérieure de Meurtre au caveau du Roi (1er trimestre 1954) comme faisant partie de la Collection Aventure des Éditions Roger Seban.
Seule la collection Espionnage, qui en était au troisième titre des aventures du Commandant d’Alverney, avec la reprise de Meurtre au caveau du Roi de Jean Campocasso édité précédemment en 1943, et qui annonçait déjà les trois titres suivants sous la même signature, va tirer son épingle du jeu. Jean Campocasso, déjà crédité des droits de copyright pour Meurtre au caveau du Roi, qui vient d’être publié début 1954, s’active pour reprendre le flambeau, ne conservant que la collection Espionnage des Éditions Roger Seban, collection dont il prend la direction et qui sera rebaptisée [b]“Aventure – Police – Espionnage”[/b] (élargissement du registre donc), avec la création d’une nouvelle maison d’éditions, les Éditions des Roses, du nom de l’imprimerie patentée des défuntes Éditions Roger Seban. L’affaire sera dorénavant domiciliée au 33 rue Albert Thuret à Chevilly-Larue, l’adresse de l’imprimerie des Roses
Meurtre au Caveau du Roi (1er trimestre 1954) annonçait les prochains titres à paraître dans la collection Espionnage des Éditions Roger Seban. Ces titres paraîtront aux Éditions des Roses, dans l’unique collection baptisée “Aventure – Police – Espionnage”.
Roger Dermée, lui, saura toutefois rebondir avec ses Nouvelles Presse Mondiales, qu’il crée en 1954 en remplacement des Presses Mondiales. Il réactive notamment la collaboration d’un ancien auteur et ami de Roger Seban, Théodore Valensi {2}, rééditant de cet auteur son grand succès des années 1920 – Yasmina – roman arabe, et publiant Destin, un des titres annoncés « à paraître » par Seban en 1947.
Pour le “fun” : les deux titres de Théodore Valensi publiés par Roger Dermée aux Nouvelles Presses Mondiales : Yasmina (1954) et Destin (1956).
Roger Seban, hors circuit, dut se reconvertir. Il aurait mis ses compétences de publiciste au service d’un ancien camarade de la Résistance, Louis Robinard, devenu ferrailleur et amateur d’affaires « juteuses », mais illicites. D’aucuns prêtent à ces deux anciens résistants des liens avec Joseph Joanovici, ancien « collabo » et lui-même ancien résistant, le roi des ferrailleurs dans les années 1950 {3}. Roger Seban sera même un moment accusé d’espionnage (plus exactement d’appartenir à un service de renseignement), ainsi que son ami Robinard. L’accusation aurait été un court moment confirmée par la D.S.T. avant d’être démentie {4}.
Il n’apparaîtra pas cependant à l’audience de son procès le 29 octobre 1955 pour outrages aux bonnes mœurs pour le roman de Maurice Périsset qu’il a publié deux ans plus tôt : Chair cruelle. A seulement 37 ans, son cadavre a été retrouvé au petit matin du 1er juin précédent, près d’une camionnette du côté de Montfort-l’Amaury, avec deux balles de 11 mm. dans la tête. Mort cruelle.
Maigre revanche, qui plus est « post mortem », pour l’ancien éditeur ! Car si les chiffres des tirages des romans publiés par Roger Seban n’auront pas dépassé les quelques milliers, le « roman fleuve » de son assassinat, lui, sera publié à plusieurs millions d’exemplaires {5}.
Nous parlerons un jour de ce « fait divers », qui fit la « Une » des journaux en 1955 et 1957, dans ce topic dédié à Roger Seban et à sa maison d’éditions.
Notes :
{1} Le titre sortira au 3ème trimestre 1954 dans la collection Pigall des éditions A.D. (André Dinar) sous la signature de Jean Normand. {2} Théodore Valensi : né à Tunis en 1886, mort à Nice en 1959. Avocat célèbre, notamment aux Assises ; romancier délicat, avec son roman Yasmina qui fut porté à l’écran et traduit en plusieurs langues ; homme politique, qui fut député de la Haute-Loire ; arrêté pendant la guerre par les allemands et déporté jusqu’à la libération. C’est durant sa longue captivité qu’il réussit à écrire plusieurs romans que Roger Seban annonçait se faire la joie de publier. Après l’assassinat dont fut victime Roger Seban, Me Théodore Valensi, vraisembla-blement au nom de leur ancienne amitié, accepta d’être l’avocat de la famille Seban qui s’était portée partie civile. {3} L’allégation de cette fréquentation est mentionnée par Thierry Wolton dans son livre Les Écuries de la Vème – Grasset, 1989 – Paris. Il est tentant d’imaginer que des liens aient pu s’établir entre Joseph Joanovici et Roger Laaban – Seban, tous deux étant à la fois juifs et anciens résistants. {4} L’accusation fut proférée par le principal témoin et principal suspect du double assassinat, qui remit à la police au tout début de l’enquête un dossier circonstancié sur lesdites activités des deux victimes, dans le but de se disculper. Il faut reconnaître qu’un certain nombre d’anciens résistants entrèrent après la guerre dans des réseaux de renseignements, notamment pour conserver les liens de protection auprès de personnages influents ou d’hommes politiques qu’ils avaient côtoyés pendant la Résistance. Notons à ce titre que Jean Campocasso, qui fut un certain temps forcément proche de Seban au moment de la publication de ses premiers romans d’espionnage en 1953, fit carrière dans de tels services ! Si les journaux de l’époque relatèrent dans un premier temps que ces allégations d’appartenance à de services de renseignements furent confirmées par la D.S.T., ils démentirent très vite ladite confirmation : ce serait bien la première fois que la D.S.T. reconnaîtrait publiquement qu’untel travaille pour ses services ! Toutefois, le principal suspect sera seul condamné pour cette double tuerie, où l’on releva pourtant pas moins de trois calibres différents de balles de pistolets… ce qui prouve qu’il sut tenir sa langue. {5} France Soir, notamment, relatera entre le 2 et le 21 juin 1955, et avec force de détails, l’avancement de l'enquête et les rebondissements de l’affaire titrée « Double crime sur la route près de Montfort-l’Amaury ».
TontonPierre
Remerciements à Frank Evrard pour les informations touchant au procès du roman Chair Cruelle ; et à Cirroco Clone’s pour le scan de la couverture complète de Pirogues sur la Mana.
pcabriotpi83 Todd Marvel
Nombre de messages : 876 Age : 79 Localisation : Derrière Versailles Date d'inscription : 03/04/2008
Sujet: l'assassinat de Roger Seban (1) Dim 30 Juil - 21:13
Je disais il y a maintenant quelque temps que je raconterais un jour l'histoire de l'assassinat de Roger Seban... Voici l'histoire, sur deux posts.
«Double crime à Montfort-l’Amaury»
Non, ce n’est pas le titre d’un roman policier qui aurait été publié aux Editions Roger Seban. C’est le titre des manchettes des quotidiens qui annonçaient la découverte au matin du 1er juin 1955, de deux corps dans la forêt de Rambouillet, près de Montfort-l’Amaury. L’un était le cadavre de l’ex-éditeur Roger Seban, tué de deux balles dans la tête…
C’est au cours de mes recherches pour alimenter un article portant sur les Éditions Roger Seban - une petite maison d’éditions éphémère des années d’après-guerre du nom même de son éditeur qui, disait-on, était mort assassiné - que je tombai sur l’affaire mystérieuse et rocambolesque qui fut appelée «l’affaire du double crime de Montfort-l’Amaury», puis rebaptisée lors du procès aux assises en «affaire Bodenan».
Le 1er juin 1955, à l’aube, les corps de deux «ferrailleurs» étaient découverts près d’une camionnette dans un chemin de la forêt de Saint-Léger-en-Yvelines, non loin de Montfort-l’Amaury, abattus chacun de plusieurs balles dans la tête. L’un d’eux était mort : Roger-David Laaban, dit Seban, ex-éditeur, et l’autre, Louis Robinard, ferrailleur connu sur la place de Paris, agonisait et mourrait trois jours plus tard sans avoir repris connaissance.
La police sur les lieux du double crime. Roger Laaban-Seban fut retrouvé mort dans la cabine de la camionnette, et Louis Robinerd fut retrouvé agonisant dans un fossé à plusieurs mètres de la camionnette (Photo prélévée dans l'hebdomadaire Qui ? Détective)
Je qualifie l’affaire de mystérieuse parce que, ni au cours de l’enquête qui suivit le drame, ni plus tard lors du procès du principal suspect – Francis Bodenan, ni jamais par la suite, on ne connaîtra la raison de ce double assassinat, pas plus que le nom des tueurs.
Elle est également rocambolesque parce qu’elle mit sur le devant de scène à cette occasion un certain nombre de personnages emblématiques, allant d’une figure connue de la pègre à celle d’une grande figure de la Police judiciaire en passant par un parlementaire et par la mère d’un ancien résistant retrouvé «suicidé» dans sa cellule…. Sans parler d’un témoin de dernière minute qui attesta avoir reçu dans son restaurant situé non loin du lieu du drame, l’après-midi même d’avant la tuerie, quatre hommes dont l’inculpé et le «parlementaire» …
C’est le célèbre avocat de l’époque, Me René Floriot, qui défendit le seul et unique inculpé pour ce double meurtre ; meurtre qui mit pourtant en jeu pas moins de trois armes de calibres différents.
Francis Bodenan et Me René Floriot aux assises de Versailles en 1957.
Rajoutons un double voile d’opacité sur cette affaire, quand on saura que la plus grande partie des protagonistes : suspect, témoins, victimes, était inscrite à la Grande Loge maçonnique de Paris, et qu’on aura dit que le suspect tenta vainement de faire orienter l’enquête et les débats du procès vers le milieu du contre-espionnage, dossier à l’appui…
Un journaliste préjugeait dès le début de cette affaire qu’elle était celle d’un «mauvais roman policier». Erreur ! Au contraire, elle a tous les ingrédients pour en faire un bon polar…, mais dont l’auteur aurait oublié de donner la solution au lecteur à la fin du dernier chapitre de son roman.
En 1957, lors du procès aux assises de Versailles, l’unique inculpé, Francis Bodenan, fut présenté et jugé plutôt comme un virtuose de l’escroquerie que comme un virtuose de la gâchette. Et pourtant, ce que les juges ne pouvaient pas savoir, c’est que Francis Bodenan était déjà, en plus d’un affairiste-escroc, un «Honorable Corres-pondant» du SDECE et que, à peine libéré de prison en 1966, il serait manipulé par la CIA : le 30 juin 1967, il détournait un avion au-dessus de la Méditerranée avec à son bord Moïse Tshombé, l’ennemi juré de Moboutou, pour aller le livrer aux autorités algériennes. C’est lui-même qui dirigera le détournement de l’avion, revolver en main, en menaçant les deux pilotes….
Dans son livre Vie et Mort de Jo Attia {1} de 1977, l’auteur Jean Marcilly rapportait la vision que cette grande figure du monde de la pègre que fut Jo Attia avait perçue de cette affaire.
Il me paraît opportun de mettre en ligne dans le message qui suit l’ensemble de cette partie de texte dévolue à cet événement et intitulée “L’Affaire du double crime de Montfort-l’Amaury” (pages 351 à 355).
TontonPierre – juillet 2023
{1} Vie et mort d'un caïd - Jo Attia. De Jean Marcilly è Ed. Fayard - 1977
pcabriotpi83 Todd Marvel
Nombre de messages : 876 Age : 79 Localisation : Derrière Versailles Date d'inscription : 03/04/2008
Sujet: l'assassinat de Roger Seban (2) Dim 30 Juil - 21:14
Pourquoi parla-t-on de Jo Attia, cette grande figure de voyou et ami de Pierrot-le-Fou, dans cette affaire de Montfort-l’Amaury ? La raison nous fut expliquée par Le Parisien du 28 juin 1957, lors du procès de Bodenan :
«Attia avait été arrêté au Maroc espagnol pour une sombre affaire de trafic d’armes. Comme il tenait fort peu à demeurer longtemps dans les geôles de Tetouan, il imagina de s’accuser du meurtre de Robillard et de Seban à Montfort-l’Amaury, calculant que la justice française réclamerait aussitôt son extradition au gouvernement de Madrid. «Le plan réussit ; le commissaire Samson [celui qui avait suivi l’enquête du double meurtre – ndr] alla chercher Attia et le ramena au juge Pages à Rambouillet. «Six semaines de détention, et Attia fit la preuve qu’il n’avait rien à voir dans l’affaire des Sept-Chênes [lieu du double meurtre en forêt de Rambouillet – ndr]. On le remit en liberté – c’est tout ce qu’il demandait. «On dit encore que pendant l’enquête, le bar de la rue Joseph-de-Maistre [“Le Gavroche”, sis au n°15 de la rue, était pendant la guerre un bar qui appartenait à Jo Attia – ndr] aurait été fréquenté par plusieurs personnes de l'entourage de Bodenan… »
En tous cas, Jo Attia nous livrera une vision des plus réaliste de l’affaire, comme nous allons le voir…
***
Après avoir retourné « l’affaire » sous toutes ses coutures, Carmen est certaine d’avoir trouvé le biais. Les flics vont tomber dans le panneau. Il faudra y aller sur la pointe des pieds mais le résultat paraît acquis. Il ne reste plus qu’à envoyer la fumée sur une « affaire » qui n’en demande pas tant, tant elle apparaissait déjà comme un monumental panier de crabes et vraiment des plus ténébreuses.
« L’Affaire », les journalistes l’avaient baptisée de noms divers : « Le double crime de Montfort-l’Amaury », « L’affaire des graisses », « L’affaire des mains sales », puis tout simplement « L’affaire Bodenan ». Plus compliqué on ne risque guère de trouver sur la place de Paris. En résumé, voici ce dont il s’agissait :
Un instituteur, Jean Capdeville, choisit à la Libération de faire carrière chez les C.R.S. Devenu commandant, il perd le goût de l’uniforme pour attraper le virus politique et devient en un temps record député S.F.I.O. de la Seine-Maritime. Pour le servir, il bénéficie d’une belle allure martiale et d’une noble prestance au point que Sacha Guitry le distinguera en en faisant un maréchal d’Empire pour son film d’évocation historique : Napoléon.
Son collègue Minjoz lui présente un certain Francis Bodenan, rompu aux jeux des affaires et à bien d’autres aussi puisqu’il réussit à concilier des activités aussi diverses que celles de croupier, de franc-maçon, de syndicaliste Force Ouvrière (F.O.). On peut l’admirer, malgré son souci permanent de bien-être ouvrier, roulant « Cadillac ». Bodenan fréquente assidûment la Palais-Bourbon et tient ses assises dans les locaux du groupe S.F.I.O.
Bodenan et Capdeville sympathisent d’autant plus vite que le premier apprend que le second a été nommé vice-président de la Commission de la défense nationale et, qu’entre autres pouvoirs, il détient celui de traiter certains marchés importants.
Or, parmi ses « relations d’affaires », Bodenan compte deux francs-maçons : Roger Seban-Laaban et Louis Robinard. Les deux hommes ont fait de la Résistance ensemble. Roger Seban-Laaban, sous le pseudonyme de capitaine Gaillard, a été pris, déporté. A son retour, le voici devenu éditeur. Une faillite l’accule au suicide. Il se pend mais la corde casse. Sans doute est-ce son ami Louis Robinard, son adjoint dans le maquis, devenu justement marchand de corde, qui la lui a fournie ? Sa marchandise n’a pas grande réputation. La preuve ! Peut-être ces cordes ne sont-elles que des ficelles car Seban-Laaban et Robinard bien vite « touchent à tout », si bien que l’animateur Francis Bodenan peut, au cours d’un dîner, proposer au député Capdeville un marché consistant à la cession pour la Marine nationale de deux millions de boîtes de graisse. « D’accord, répond le vice-président de la Commission de la défense nationale, mais il y a dix millions pour moi… — Naturellement, consent Bodenan, et si on peut trouver d’autres marchés… » On les trouve. Jean Capdeville fait le nécessaire pour que le colonel de Courville, intendant de 1ère classe, reçoive boulevard Saint-Germain Francis Bodenan. Ce dernier propose soixante-quinze mille cadenas fournis par un certain Robinard… Ils sont acceptés de bonne foi. « Bouche cousue, naturellement », plaisante Capdeville.
Bodenan ne prend pas le temps de rire. Il y a mieux à faire. Les portes toujours ouvertes par Capdeville, il place en un temps record un lot de dix mille mitraillettes plus d’autres engins et négocie au ministère des Affaires commerciales un marché de tracteurs.
Il n’a qu’un tort, Bodenan, c’est de vouloir aller trop vite et trop loin. Surtout trop loin car il ose jeter un œil sur le S.D.E.C.E., fief éminemment socialiste alors… Cela parce qu’une dame Lahana, faisant de la lingerie fine, pleure son fils, plus connu sous le pseudo d’Andrieu en tant successivement que membre de la Cagoule, du B.C.R.A. puis de la D.G.E.R. Or, le capitaine Lahana s’est « suicidé » en 1946 lorsque son chef direct le colonel Passy a été mis en cause par le rapport Ribière, patron du S.D.E.C.E., et sommé de justifier l’utilisation des fonds secrets… Avant de mourir, le capitaine a confié à sa mère un dossier explosif. Ce dossier, elle le remet à Bodenan. Celui-ci n’en croit pas ses yeux. Non seulement il y a là de quoi réhabiliter le capitaine Lahana, mais surtout de quoi déshonorer à tout jamais de bien grands noms. Bodenan demande à Seban-Laaban (qui en a les moyens) de vérifier l’exactitude des pièces.
Seban-Laaban et Louis Robinard étudient le tout de très près et prennent conscience qu’ils viennent de décrocher la timbale. Un avenir en or s’ouvre à eux. Vitesse grand V, Seban-Laaban fonce au S.D.E.C.E. muni d’une impressionnante serviette. Louis Robinard dîne avec un ami et lui dit : « Mon vieux, tu ne peux pas savoir. J’ai fait la connaissance des plus grands bandits que la terre puisse porter ». Dans la bouche de Robinard, pareils propos sont impressionnants.
Ci-dessus : phorto prise en 1945 au cours d'une soirée organisée en faveur des déportés israélites. Louis Robinerd est repéré par une croix ; Roger Seban par deux croix (photo prélevée sur l'hebdomadaire Qui? Détective)
La nuit de fin de printemps de ce 31 mai 1955 est tiède, voluptueuse. A 22 heures la lune est levée. Elle éclaire parfaitement, en forêt de Rambouillet, le carrefour dit des Sept Chênes. Une camionnette Citroën s’y engage doucement, rejointe par une conduite intérieure. Les occupants des deux véhicules descendent, se concertent, discutent. De plus en plus fort. Jusqu’au moment où les coups de feu claquent. Aux cris succèdent les longs gémissements de Louis Robinard qui a reçu deux balles dans la tête et mettra quatre jours à en mourir à l’hôpital Lariboisière. Sans parler, n’étant à aucun moment sorti du coma. Quant à Roger Seban-Laaban, la mort l’a saisi instantanément.
Les gendarmes de Montfort-l’Amaury et de Saint-Léger-en-Yvelines trouveront dans la camionnette une trentaine de boîtes de graisse d’armes.