AVERTISSEMENT : Ceci est un pastiche d'Alexandre Dumas, mettant en scène des personnages de la Trilogie des Mousquetaires, et racontant
à ma sauce un évênement survenu entre
Les trois mousquetaires et
Vingt ans après. Ce texte contient des
scènes érotiques explicites, pas forcément fidèles au style habituel de Dumas. Jeunes innocents,
pensez à éloigner vos parents pendant que vous lisez, attention aux yeux.
Note de l'auteur mégalomaniaque : ( un jour je vais me faire virer à force de faire ma propre pub comme ça ) Cette mini nouvelle date de l'été 2006, je viens de la retrouver dans mes archives persos, et je me suis dit que peut être, ça vous plairait... J'espère en tout cas que le genre ne sera pas déplacé... si oui, prévenez moi, je l'enlèverais aussitôt
Note de l'auteur mégalomaniaque 2 : Il est possible que certains d'entre vous connaissent déjà ce texte...
Roche l’Abeilleby AndromèdeC’était la nuit, mais on ne voyait pas les étoiles. La chape de lourds nuages noirs avait tout recouvert, matérialisant la colère du ciel qui faisait rage ce soir là. L’orage grondait, décimant ce petit bout du monde avec force éclairs lapidaires, rafales infernales et coups de tonnerre assourdissants. Le tout était baigné par une pluie froide et acérée, qui tombait à seaux, sans discontinuer, depuis le matin.
Cette route de campagne paisible qui reliait Limoges à un petit village des environs s’était transformée en chemin de l’apocalypse. Et pourtant, n’étaient pas des messagers de l’enfer, ces deux cavaliers qui la suivaient au galop.
Ils luttaient contre la bourrasque, cramponnés aux flancs de leurs chevaux pour ne pas tomber, en plissant les yeux pour tenter de distinguer ce qui se trouvait devant eux à travers les gouttes de pluie.
Ils pressaient leurs montures, qui s’enfonçaient un peu plus à chaque pas dans le bourbier, autrefois simple ruban de terre battue. Bientôt, celui qui tenait la tête aperçut vaguement la silhouette d’un clocher.
-Sais tu quel est ce village ? Cria-t-il à son compagnon de toute la force de ses poumons, pour tenter de couvrir les mugissements effrayants du vent.
-Roche l’Abeille, si mes souvenirs sont bons, entendit il celui-ci lui répondre ( il ne s’était pas retourné pour ne pas s’exposer davantage au tourments d’Eole )
-Comment le sais tu ?
Il parlait moins fort, l’autre étant parvenu à sa hauteur.
-J’ai été élevée dans ce pays, je le connais bien. Mais madame, je dois vous prévenir que ce village est fort petit et fort pauvre, il ne pourra guère vous offrir de gîte digne de…
-Qu’importe, répliqua « madame » presque impatiemment, pour le moment, tout ce qui compte pour nous est de trouver un endroit ou passer la nuit au sec, ou, par la sainte Vierge, nous allons périr noyées.
Les deux gentilshommes à la voix claire, aux yeux de femme brillant sous leurs feutres baissés, repartirent de plus belle.
Leur ardeur était décuplée par l’espoir du but qui se rapprochait.
Les gerbes de boue projetées dans leur sillage ressemblaient plus que jamais à des traînées d’étoiles filantes.
Elles souriaient de leurs lèvres bleuies par le froid.
Combattant la morsure des éléments avec une grâce féroce, leur seule arme dans cette vie.
*
Non loin de là, dans le presbytère de Roche l’Abeille, une pièce vide attendait. Une table ronde reposait contre le mur, sous une fenêtre aux volets délabrés, tremblant et claquant sous les assauts de la tempête. Deux simples fauteuils avaient été tirés devant la cheminée où ne brûlait plus qu’une ombre de feu. Le sol et les murs étaient nus, aussi nus qu’un nouveau né, et les seuls objets un peu personnels qui ornaient ce morne décor de théâtre sans acteurs étaient une Bible, une Vie des saints de Judith et un pourpoint d’homme, tout dégoulinant d’eau, gisant sur le dossier d’une chaise.
Un léger bruit mécanique retentit, et par la porte qui venait de s’ouvrir pénétra la lumière d’une chandelle qui brûlait. L’homme qui la tenait frissonna légèrement, comme la flamme du bougeoir, en sentant sur sa peau la caresse méchante de l’air froid qui s’engouffrait à l’intérieur par les fissures du volet.
Il était en chemise et en bas, ses longs cheveux noirs trempés cascadaient sur ses épaules et dans son dos, et il tenait à la main une longue épée, toujours impressionnante malgré le fourreau de cuir à lanières qui l’enveloppait. Il avait un regard d’azur qui reflétait la lumière des braises rougeoyantes.
Ce négligé humide ne le rendait pas moins beau et attestait de son courage. Cet homme là venait sans doute de passer une partie de la nuit à courir à cheval sous la pluie.
Il avisa les deux fauteuils disposés devant l’âtre, et sourit, devinant là une attention particulière de son laquais. Il déposa sa bougie, et s’armant du tisonnier, alla entreprendre de raviver le foyer.
Bientôt, un deuxième homme pénétra dans la pièce, un plateau dans les mains. C’était le serviteur aux yeux doux et à la bouche close, dans le même état que son maître. Il s’arrêta un instant sur le seuil, s’accordant quelques secondes pour contempler ce dernier avec un sourire affectueux.
Un beau tableau, simple et paisible, d’un soldat fatigué se reposant au coin du feu. Les flammes, à présent hautes et claires, dansaient devant son visage, dansaient devant ses mains, l’entourait d’une aura irréelle et bienfaisante.
Manteau pourpre et chaud, qui faisait honneur à sa force et au charisme impressionnant qui émanait de lui en toute circonstance.
Il était à moitié nu, il avait les yeux baissés, il avait toujours froid.
Grimaud présenta son modeste souper à Athos en s’inclinant.
Mais il était plus roi que les rois.
*
Les deux cavaliers de la grande route venaient de pénétrer dans Roche l’Abeille au trot rapide, évitant les gouttières qui dégorgeaient et les flaques sournoises qui menaçaient. Ces centaures femelles sentaient que le salut était proche, et qu’il ne leur fallait surtout pas faiblir maintenant. Elles erraient le long des rues, scrutant chaque fenêtre, chaque porte avec espoir, mais sans résultat. Toutes restaient hermétiquement noires. Fermées. Jalouses du confort qu’elles abritaient.
Les chatons perdus sous l’orage se rapprochèrent l’un de l’autre, comme pour former une alliance défensive face à l’hostilité des portes closes. Leur errance au travers du dédale des petites rues les conduisit bientôt sur la place du village. Elles levèrent les yeux vers le ciel en pleurs, par réflexe, pour observer la petite Eglise de Roche l’Abeille qui se dressait là. Elle faisait réellement figure de bâtisse imposante, parmi toutes les petites maisons de ce petit coin de campagne où tout était petit à part la campagne.
Elles firent quelques pas dans sa direction, semblant mues par une même pensée, à la fois religieuse et pratique : si personne ne consentait vraiment à leur faire l’aumône d’un toit pour la nuit, elles iraient trouver refuge dans la maison du Seigneur.
Soudain, un éclair illumina la nuit, un coup de tonnerre couvrit pour un instant le bruit de la pluie. Les chevaux se cabrèrent, les chapeaux à plumes s’envolèrent. Mais les amazones avaient eu le temps d’apercevoir, coincée entre deux contreforts de l’église, une petite maison semblables aux autres, mais aussi complètement différente.
Les volets étaient mal fermés.
La lumière passait.
-Regarde, dit celle qui tutoyait toujours l’autre, crois tu que cela puisse être le presbytère ?
-Probablement, répondit celle qui vouvoyait, la maison est à l’écart, et il y a un petit sas en pierre entre son flanc et celui de l’église… Voulez vous… ?
-Oui, je veux… Viens çà.
-Madame, croyez vous vraiment que…
-Il y a de la lumière, Ketty, l’interrompit-elle, il y a de la lumière…
Relevant le col de leurs manteaux, car elles n’avaient plus de feutres pour dissimuler leurs jolis visages, elles descendirent de cheval et allèrent frapper à cette porte providentielle. Laquelle s’entrouvrit quelques secondes plus tard, juste assez pour qu’elles distinguent un oeil bleu, appartenant à l’ombre qui se tenait derrière.
-Qu’est ce ? Demanda la voix rauque qui allait avec l’œil.
-Nous sommes deux gentilshommes en voyage dans ce pays… Nous avons couru toute la journée, et une partie de la nuit, et nous nous sommes faits surprendre par l’orage. Pouvez vous nous accorder l’hospitalité, monsieur l’Abbé ?
-Bien sûr, entrez ! Répondit une autre voix, aux notes plus claires, qui venait de l’intérieur de la maison.
Les voyageuses ne se firent pas prier, et après avoir été attacher leur chevaux au râtelier commun de la place, s’engouffrèrent dans ce refuge providentiel.
Une nouvelle fois, le tonnerre retentit.
*
Athos venait juste d’achever de se sustenter, et s’apprêtait à aller se mettre au lit. Il reprit son épée, et alla soigneusement la déposer sous son oreiller. C’était son habitude, en homme qui jouait avec la vie, chaque fois qu’il dormait dans un lit qui n’était pas le sien.
Repassant de moitié dans la première pièce, afin de faire ses recommandations à Grimaud pour le lendemain, il entendit frapper impatiemment à la porte.
Il s’agissait apparemment de deux cavaliers, comme eux, demandant simplement la faveur de passer la nuit au sec. Athos leur cria d’entrer, puis, peu soucieux de s’exposer à leurs regards alors que lui-même voyageait incognito, se replia complètement dans l’ombre de la chambre.
-Vous devez avoir faim, messieurs, leur signifia-t-il depuis l’autre côté du mur, mais je ne puis malheureusement vous offrir que les restes de notre souper, et la moitié de ma chambre.
L’ancien mousquetaire entendit vaguement la rumeur d’une conversation menée à voix basse dans la pièce voisine, puis ce qui ressemblait à des éclats de rire étouffés.
Sur les vitres, derrière le volet, le bruit de la pluie ressemblait au chant d’une cascade de perles tombant sur un plateau d’argent.
-Merci, monsieur le curé, j’accepte.
Athos entendit la voix qui venait de répondre, à la fois des oreilles et de l’esprit. Un diamant devait s’être mélangé aux perles. Il souffla la chandelle, et répondit :
-Alors mangez, et faîtes le moins de bruit possible. Moi aussi j’ai couru toute la journée, et je ne serais pas fâché de dormir cette nuit.
A tâtons, dans l’obscurité quasi-totale de cette petite chambre de prêtre, Athos ôta sa chemise et ses bas, afin de ne pas les gâter. Puis, il s’allongea. Le lit fatigué gémit. Un frisson courut le long de l’échine de celui qu’on prenait cette nuit pour un homme de Dieu. Il rabattit la couverture de laine sur ses épaules, mais cela ne changea rien. Il ne parvenait toujours pas à se réchauffer.
Une demi-heure s’écoula peut être. Seul dans cet univers de noir et de gris, bercé par les mugissements de la tempête qui faisait rage au dehors, l’enfant perdu rêvait, les paupières ouvertes.
Que voyait-il ?
Quels fantômes dansaient devant ses yeux ?
A moins d’être lui, qui pourrait le dire ?
Sans doute, ça et là, les silhouettes brumeuses de gens aimés. Ils le rassuraient chaque soir, avant qu’il ne s’endorme.
Mais les raies de lumière pâle sur le plancher, se transformaient bientôt en d’autres spectres autrement terrifiants. Une femme de fumée grise, à la tête tranchée… Elle lui tendait les mains, ses lèvres s’entrouvraient. A la fois accusatrice et repentante.
A son oreille soufflaient les démons du passé. Remords, regrets… Solitude.
Athos croisa les bras sur sa poitrine, sans jamais pouvoir se résoudre à fermer les yeux. Il avait envie de formuler à voix haute les trois seuls mots capables d’exprimer ce qu’il ressentait : « J’ai froid ». Il ne se l’autorisa pas.
La lumière de la pièce voisine, qui passait sous la porte, s’éteignit soudain. Un léger craquement se fit entendre, et Athos perçut soudain la présence de quelqu’un d’autre dans la pièce. Bien qu’il fit noir, son souffle le trahissait. Il devait s’agir de l’autre gentilhomme, arrivé après lui dans cette maison.