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 Jean GIOT

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illegs
Atomos (Madame)



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MessageSujet: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyJeu 12 Avr - 23:31

Bonjour,

Sait-on qui est (et qui n'est pas) Jean GIOT, auteur de quelques romans policiers dans les années 1950-1955 (3 connus) ?
Une intéressante contribution sur ce site évoque ces trois titres (https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t4670-collections-policieres-de-la-corne-d-or) ; mais pcabriotpi83 ne dit que peu de chose de l'auteur, sauf qu'il pourrait écrire sans pseudonyme.

Il y a un Jean Giot, policier au temps de la Collaboration, qui a laissé son nom dans les chroniques du temps (Galtier-Boissière et ailleurs), à la fois, semble-t-il, héros et milicien, amputé, condamné à mort, puis libéré (approximativement).

Manquant de connaissances sur le sujet, je viens lancer ma ligne chez vous.
J'ai lu un des volumes dudit Jean Giot, que j'ai trouvé très sympa, très vivant ; et le second, qui m'a l'air très sympa aussi, m'attend pour très bientôt. L'auteur fait-il partie de ces anciens collabos ayant fini dans le polar ?

Merci !
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pfinge
Zigomar
pfinge


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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyVen 13 Avr - 0:04

le problème est que tu en sais plus que nous ! ou tout au moins, moi !
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illegs
Atomos (Madame)



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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyVen 13 Avr - 0:19

J'aimerais bien mais sérieusement, non, je ne sais rien de l'auteur du polar ; dans celui que j'ai lu, je n'y ai – de mémoire – rien relevé qui puisse le situer.
L'existence d'un policier Jean Giot qui est entré dans l'histoire de la Collaboration me titille. Accessoirement, ce policier historique a été amputé des pieds (ou du bas des jambes) quand il a changé de camp.

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pcabriotpi83
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MessageSujet: Giot, Jean   Jean GIOT EmptyMar 21 Juil - 21:19

L’édition du journal Le Monde du 31 décembre 1945 annonçait la condamnation à mort du Sous-Lieutenant de la deuxième D.B. et ancien inspecteur des Brigades Spéciales, Jean Giot. Celui-ci était présenté dans le texte comme “un policier tortionnaire implacable sous l’occupation qui avait arrêté [et sans aucun doute « torturé »] soixante Français [des communistes !]”.

Jean GIOT Condam10
Copie « numérisée » de l’annonce de la condamnation à mort de Jean Giot
(Archives Le Monde, 31 décembre 1945).

Le Jean Giot en question échappa toutefois au peloton d’exécution (il s’en sortit mieux que ses supérieurs, fusillés dès 1945) : il fut d’abord gracié - sa peine étant commuée en dix années de réclusion, puis libéré, en 1948.
En 1949, il faisait publier ses «mémoires», liées à cette période, dans la revue d’extrême droite “Europe Amérique”, éditée en Belgique, sous le titre : “Les révélations d’un inspecteur des brigades anticommunistes”.
Discret sur la manière dont lui et ses collègues interrogeaient les personnes interpellées, il notait néanmoins dans un passage titré “Tortures ?” :
« J’entends d’ici nos adversaires : «Ces aveux ont été obtenus au prix de quelles tortures ?»
L’homme qui se destine à la carrière policière, se rend vite compte que le métier n’est certes pas fait pour des «enfants de chœur», et qu’il faut toute l’hypocrisie bourgeoise pour jeter un voile sur ce qui se passe couramment, hier comme aujourd’hui, dans les services de police.
Ceux qui firent l’objet de violences, furent plus spécialement les auteurs d’attentats contre les policiers. Il s’agit là de réactions personnelles, sinon recommandables, tout au moins compréhensibles de la part d’hommes ayant échappé à la mort et qui se trouvaient brutalement en face de ceux qui avaient ordonné ou tenté de les abattre.
Souvent, ceux qui avaient spontanément parlé, excipèrent de violences fictives pour se faire pardonner.
Un jour, un militant du nom de Rex, arrêté par nos services et envoyé au «dépôt» tenta de faire sortir clandestinement une lettre en la dissimulant dans le col d’une chemise sale. Cette missive, destinée au Parti, expliquait que son auteur avait été victime de sévices lors de son arrestation. Interrogé à ce sujet, il déclara
«n’avoir été l’objet d’aucune pression ni d’aucune violence, mais qu’ayant spontanément fourni à la police des renseignements qui avaient permis l’arrestation de ses camarades, il voulait éviter les représailles du Parti» ! » {1}
---
Voilà un exemple de point de départ de recherches sur Jean Giot. Mais une question importante mérite d’être posée : ce Jean Giot, condamné à mort en 1945 et libéré en 1948, a-t-il quelque chose à voir avec le Jean Giot qui écrivit trois romans policiers entre 1953 et 1955 à la Corne d’Or {2} ?
Il me semble déjà entendre certains habitués du Forum : «Qu’est-ce que le “Tonton” va encore nous sortir ?… Que les deux “Jean Giot” ne font qu’une seule et même personne ?»
Hum !... Pas si sûr… ou en tout cas, pas si vite !

La Société des Gens de Lettres recense bien un Jean Giot, né en 1921, et dont le dossier est conservé (avec d’autres) dans le «carton» 454 AP 182 aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine … mais il faudra attendre deux mois pour aller le consulter : c’est le temps de réponse à une demande de consultation. Il nous faut donc prendre patience…
En attendant, nous allons nous intéresser au Jean Giot “Inspecteur des Brigades Spéciales”. Et pour ceux qui ont un peu de temps, je leur recommande de lire “Un certain Monsieur Jacques”, signé Jean Giot et publié aux Editions de la Corne d’Or au printemps 1955…

Notes :
{1} Europe Amérique n°203, page 14.
{2} Voir à l’adresse : https://litteraturepopulaire.1fr1.net/t4670-collections-policieres-de-la-corne-d-or?highlight=corne

TontonPierre


Dernière édition par pcabriotpi83 le Mar 21 Juil - 21:45, édité 1 fois
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyMar 21 Juil - 21:40

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées…

Le peu que l’on sait de Jean Giot – un policier dont le nom est resté dans l’Histoire, nous vient principalement de Jean Giot lui-même. En effet, cet inspecteur écrivit après la guerre une série d’articles à suivre pour la revue “Europe Amérique” {1}, qu’il intitula “Les révélations d’un inspecteur des brigades spéciales anticommunistes”, et dans laquelle il relata, outre ses missions d’inspecteur de la Sûreté dans la BS1 {2} entre 1941 et 1944, ses faits de guerre à la Libération dans la Division Leclerc, puis ses pérégrinations durant la période de l’épuration.
Le contenu de ces «révélations» a été fortement décrié, et encore aujourd’hui, notamment par les communistes eux-mêmes, mais là n’est pas le champ d’investigation de l’actuel propos. Néanmoins, certains articles contiennent des informations sur le rédacteur de ces «révélations» - c’est-à-dire sur Jean Giot lui-même, informations qui serviront à la rédaction des messages qui vont suivre.
Jean GIOT Europe10
Ci-dessus : couverture d’un numéro de l’hebdomadaire Europe Amérique dans lequel
l’ex-inspecteur de la Brigade Spéciale BS1 Jean Giot publia ses «révélations» en 1949.

L’introduction à cette série d’articles annonçait :
«Début de 1941… Le bruit circule à Paris que les Allemands envisagent d’enrôler les techniciens et anciens pilotes de l’aviation française dans le personnel «rampant» de la Lutwaffe. Jean Giot, jeune aviateur que l’on vient de démobiliser, cherche une «planque». Il apprend que l’on recrute des inspecteurs à la Sûreté Nationale. Il se présente, on l’engage et on l’affecte d’autorité aux Brigades Spéciales créées en 1939 par M. Daladier pour lutter contre l’agitation communiste.»

Notons au passage que ce début de «carrière» ressemble étrangement à celui d’un auteur de polars qui deviendra un auteur à succès dans les années 1950 : Jean Bruce, le père d’O.S.S.117, qui fut lui aussi jeune aviateur au début de la guerre et qui, après la défaite et sa démobilisation en 1940, se fit engager comme inspecteur («auxiliaire») à la Sûreté nationale. Cette similitude nous incite à cerner l’époque où naquit Jean Giot en la calquant tout simplement sur celle de Jean Bruce, né en 1921 : entre la fin des années 1910 et le tout début des années 1920.

Notes :
{1}  Giot, Jean : “Les révélations d’un inspecteur des Brigades spéciales anticommunistes”. Revue Europe Amérique n°199 et ss – Bruxelles – avril 1949
{2} Pour en savoir plus sur ces «Brigades Spéciales», on se reportera à la page Wikipédia correspondante.

(à suivre…)

En éclairage : Sûreté nationale et Police nationale à l’époque de la seconde guerre mondiale. (Cf. Wikipedia)

Initialement organisme de police politique, la Sûreté nationale est créée en 1934, en réponse à une affaire de scandale politico-économique (l’Affaire Stavisky). Elle remplace alors la Sûreté générale, établie au Ministère de l’intérieur depuis 1903.
En 1941, sous l’occupation allemande, la Sûreté nationale est supprimée. Le siège de l’ex-Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), est alors occupé par la Sipo {3}, la Police de sécurité allemande, créée en Allemagne en 1936.
Le régime de Vichy instaure, en remplacement à la fois de la Sûreté nationale et du corps des Gardiens de la paix publique créé en 1870, la Police nationale {4}, par décret du 14 août 1941.
Malgré l'occupation allemande, la Police nationale de l’époque dispose d'une certaine autonomie, à condition de rendre des comptes aux autorités allemandes, ce qui revient à dire que la Police sert les autorités allemandes ; ce qui apparaît comme une collaboration forcée que beaucoup de fonctionnaires n'acceptent pas : plus de 50 % des commissaires sont révoqués, et certains rejoignent la Résistance {5}.
Rétablie en 1944, à la Libération, la Sûreté continue d'exister jusqu’en1969 où elle est remplacée par la Direction générale de la Police nationale.
Quant à la Police nationale, créée comme nous l’avons dit en 1941, elle devient une Police d’Etat rattachée au Ministère de l’Intérieur. Ses missions sont la garantie des libertés individuelles et collectives, la défense des institutions de la République, le maintien de la paix et de l'ordre public et la protection des personnes et des biens. Les policiers, titulaires et stagiaires, sont des fonctionnaires.

Jean GIOT Insign10 Jean GIOT Carte_10
Ci-dessus : l’insigne et la carte des inspecteurs de police de l’Etat français
sur laquelle était imprimée la photo d’identité de son détenteur.

{3} La Sicherheitspolizei (« Police de sûreté ») – en abrégé Sipo - était la Police de sécurité allemande qui regroupait deux organes : la « Gestapo » (Geheime Staatspolizei) - ensemble des services de police politique du Reich ; et la « Kripo » (Kriminalpolizei) la police criminelle.
{4} Dans le cadre de la Convention d'Armistice du 22 juin 1940, s'était mise en place une collaboration d'Etat par laquelle le gouvernement s'était engagé à mettre la Police et la Gendarmerie françaises au service des occupants.
{5} Sur cet aspect des policiers qui ont fait le choix de la Résistance, on lira avec intérêt l’éclairage donné par Christian Chevandier, au sujet d’un « tweet » de Christophe Castaner (alors ministre de l’Intérieur) mis en ligne à l’occasion d’un hommage qu’il rendit aux policiers résistants, le 8 mai 2019. Voir à l’adresse https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/partout-en-france-des-policiers-ont-fait-le-choix-de-la-resistance-un-historien-nuance-les-propos-de-christophe-castaner_3435681.html

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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyJeu 23 Juil - 18:26

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées… (2)

A la Libération, l’angoisse s’empare de Jean Giot.
Alors que les armées américaines approchent la capitale, la grève générale des policiers parisiens est décidée à la préfecture de Police. Dans tous les commissariats de Paris, des nouveaux-venus prennent place et arrêtent leurs chefs.
Jean Giot craint alors d’être reconnu et de subir la «vengeance» sauvage de ceux qu’il a eu à admonester pendant les années d’occupation :
«J’étais extrêmement inquiet. Je déambulais au long des petites rues désertes, évitant les rassemblements, sans savoir au juste ce que j’allais faire.
Un moment, je pensais même à me constituer prisonnier entre les mains d’une autorité constituée, mais je la cherchais en vain. Seuls, les F.F.I. et les F.T.P.
{1} régentaient la capitale.
Rue d’Amsterdam, je rencontrai un garçon que j’avais perdu de vue depuis 1940. Après une hésitation commune, nous allâmes l’un vers l’autre ; la poignée de main fut chaleureuse, elle remplaçait les mots que nous ne pouvions articuler, le cœur serré par cette rencontre imprévue, entre anciens compagnons de combat.
Nous étions entrés dans un bistrot où, après mille réticences, nous confessâmes notre position respective. Officier de la division Leclerc, il était détaché pour se rendre compte des possibilités de défense allemande dans la capitale, avant l’arrivée des troupes régulières. Connaissant ses sentiments d’avant-guerre, je n’hésitai pas non plus à lui dire la vérité. Il connaissait de réputation les « Brigades Spéciales », ou plutôt il en connaissait ce que la propagande en avait fait. Je n’eus pas grand mal à ramener les choses à leur véritable valeur.
Les renseignements que je lui fournis l’intéressèrent, et il me proposa de m’emmener avec lui, et de rejoindre la deuxième D.B., où je trouverais un asile sûr, et le moyen de poursuivre mon combat. J’acceptai immédiatement cette solution.»


Jean Giot se voit alors nanti d'un uniforme américain et commence à servir comme simple soldat dans un régiment où il sera anonyme… (en août 1944 – ndr)

Jean GIOT Jean_g11
Ci-dessus : Jean Giot en uniforme de la 2ème D.B. du général Leclerc.
(photo prélevée dans la revue Europe Amérique)

Note :
{1} Pour mémoire, les F.F.I (Forces françaises de l’intérieur) étaient le résultat de la fusion, au 1er février 1944, des principaux groupements militaires de la Résistance intérieure française qui s'étaient constitués dans la France occupée ; et les F.T.P. (Francs-tireurs et partisans), était le nom du mouvement de résistance intérieure française créé à la fin de 1941 par la direction du Parti communiste français. (Cf. Wikipedia).

(à suivre…)

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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyVen 24 Juil - 12:32

J'ai comme l'impression qu'avec tous ces détails sur la vie de Jean Giot, le policier peu recommandable et l'auteur de romans policiers vont finir par se rencontrer... Rolling Eyes
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptySam 25 Juil - 16:24

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées… (3)

C’est au cours d’une mission au sein de la deuxième D.B. que Jean Giot est blessé aux jambes et qu’il doit subir une double amputation :

« Un matin, nous prîmes la route de l’Est. Il n’entre pas dans mes intentions de narrer ce que furent ces quelques mois de bagarre. Je connus de nouveaux camarades, de nouvelles émotions, de nouvelles désillusions. Je récoltai la croix de guerre, quatre citations, puis la médaille militaire, et, après mes blessures, je fus proposé pour la Légion d’Honneur. On a bien voulu reconnaître que j’avais sauvé la ville de Baccarat d’une destruction quasi-totale, en préservant le pont qui traverse la Moselle, au cœur de la ville, et la municipalité de Baccarat me remit une coupe de cristal, en signe de reconnaissance.

« Le 23 novembre 1944, après avoir dépassé le col de la “Petite Pierre”, en Alsace, alors que nous allions entrer dans Strasbourg, je reçus dans ma voiture, de plein fouet, quatre obus de quatre-vingt-huit d’un char allemand. Quelques instants plus tôt, je disais à mes camarades : « La guerre est finie à présent ; Nous nous laissons glisser vers Strasbourg, puis en Allemagne, et le tour est joué ! ». Je sentis que j’étais touché aux jambes, mais la douleur était très supportable. A travers la fumée des explosions, à travers la poussière soulevée par les obus, je voyais les premières flammes s’élever de la voiture, et j’entendais mes camarades immobilisés par leurs blessures hurler sous les brûlures. Un réflexe me poussa à sortir du véhicule. En posant le pied sur le sol, je m’écroulai… Mes jambes ne me portaient plus. Je restai affalé sur la route un long moment, alors que le char ennemi continuait à tirer avec ses mitraillettes jusqu’à ce qu’un char américain le réduisît au silence. A ce moment, des soldats vinrent me relever et immédiatement me firent avec des bandes pour mitrailleuse des garrots, puis, tant bien que mal, ils m’emmenèrent sur le bas-côté de la route, à quelques mètres de là. Ils m’accotèrent à un arbre, et me donnèrent à boire.

« Bientôt, des femmes de l’armée américaine, des W.A.C.’s, vinrent me relever et me posèrent sur un brancard, puis, je me retrouvai dans une ambulance. J’étais placé près d’un Allemand. J’appris qu’il s’agissait de l’officier qui commandait le char agresseur. Il me prit, en raison de l’uniforme, pour un G.I.
— Have you an american cigarette ?
— Yes. Sure…
J’en sortis une de la poche de mon blouson, l’allumai et la lui tendit, car je venais de m’apercevoir qu’il était blessé au bras.
— Thank You ! Like before the war !
L’ambulance nous amena à quelques cinquante kilomètres du lieu de ma blessure dans un hôpital de premier secours à Bayon.

« Après que l’on eut amputé des deux jambes, on me transporta dans un hôpital de l’arrière, à Mirecourt et, de là, à Paris, au Val-de-Grâce.
Il y avait quelques heures à peine que j’y étais installé quand arrivèrent des journalistes en quête d’informations. La gravité de mes blessures et les événements de Baccarat firent de moi une cible magnifique pour les photographes. Je ne désirais pourtant guère que l’on fît de la publicité autour de mon nom : la lecture de quelques journaux français venait en effet de me renseigner sur l’état d’esprit réel de mes compatriotes. Néanmoins, c’est de bonne grâce que je me prêtai à l’interview, certain que ma conduite aux armées m’éviterait de subir le sort de mes anciens collègues qui s’étaient vus mettre en prison lors de la Libération.

« Durant les mois de février et de mars, je dus encore subir deux opérations chirurgicales. Je commençais à me remettre de la dernière quand je reçus, de l’un de mes camarades policiers, un exemplaire d’un tract qui circulait alors dans les milieux de police. Il s’agissait d’un document demandant :
«Lequel doit arrêter l’autre ? Est-ce Airaud qui doit faire arrêter Giot ou réciproquement ?» ! Cet écrit était dirigé contre le nouveau maître de la Préfecture de Police, le sieur Airaud, agitateur communiste notoire. Ce tract me renseigna surtout sur les véritables intentions communistes à mon égard»

(à suivre…)

Nota : Pour raison de « Covid-19 », je n’ai pu aller chiner à la BnF la photo de Jean Giot sur son lit d’hôpital lors de son interview au Val-de-Grâce. Ce sera pour plus tard…

TontonPierre


Dernière édition par pcabriotpi83 le Mar 28 Juil - 7:38, édité 1 fois
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyLun 27 Juil - 10:28

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées… (4)

Devant de telles menaces à peine voilées, Jean Giot décide de quitter le Val-de-Grâce pour se réfugier chez une amie ; mais il est bientôt arrêté et incarcéré à la prison de Fresnes :
« Ce fut un policier, qui remplissait à l’infirmerie les fonctions de comptable, qui m’accueillit à mon arrivée. Il me dirigea immédiatement vers la cellule de «police». Trois de mes anciens collègues l’occupaient déjà et leur présence fut pour moi un précieux réconfort. Je crois que ce soir-là, j’ai un peu pleuré. Aussitôt, ils s’employèrent à me «retaper».
— Tu penses, avec un passé militaire comme le tien, tu ne vas pas moisir ici ! Ton arrestation est un coup des « cocos », mais de Gaulle, quand il le saura, va te faire tout de suite sortir ! Nous avons des «tuyaux», de Gaulle est décidé à les «mâter». C’est pas trop tôt !

« L’idée d’avertir de Gaulle de ma situation me séduisit. Je décidai donc de lui écrire. Sans plus tarder, je lui adressai une lettre dans laquelle je lui rappelais que, huit jours plus tôt, au Val-de-Grâce, il m’avait, en me serrant la main, « remercié au nom de la France ». Quinze jours plus tard, je reçus la réponse à ma requête : le Général, ou, plus exactement le Colonel qui dirigeait son bureau militaire m’informait que, malgré mes titres militaires, la « Justice » devait suivre son cours.»


Jean GIOT La_ron12 Jean GIOT La_gra16
Ci-dessus : dans la prison de Fresnes (photos prélevées dans les articles de Jean Giot pour Europe Amérique)
A gauche : dans le double mur d'enceinte de la prison ; à droite : la "cage" du "Sing-Sing" français.

La délivrance n’arriva pas, et il fallut penser à préparer son procès :
« Les jours passaient sans m’apporter la délivrance que j’escomptais tant. Sur le conseil de mes compagnons de cellule, je m’inquiétai de trouver un défenseur. […] En fait, j’en pris deux, sur les conseils de l’un de mes amis libres : Maître F. Dupont et Maître Ramboz. Le premier, Député et Conseiller municipal de Paris, me semblait être exactement l’homme qu’il me fallait : son talent joint à son autorité me paraissaient devoir mener rapidement mon affaire à bien. Malheureusement, je n’avais pas assez tenu compte de la lâcheté humaine qui le poussa, trois jours avant mon procès, à abandonner ma défense. […] Un matin, je vis arriver Me F. Dupont, la mine réjouie, la boutonnière ornée d’un ruban de croix de guerre, la serviette sous le bras et l’air affairé. Il m’annonça la venue de mon magistrat instructeur, Monsieur Gerbinis. Je connaissais l’homme pour avoir, en tant que policier, hanté son cabinet, durant l’occupation, alors qu’il instruisait les affaires communistes. La situation était cocasse : le magistrat qui avait signé les mandats d’arrêt que j’avais exécutés, se trouvait être le magistrat qui était chargé de me les reprocher».

La date du procès fut fixée aux 27, 28 et 29 décembre 1945.

(à suivre…)
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyMer 29 Juil - 8:17

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées… (5)

Deux jours furent cependant suffisants pour contenir le procès de Jean Giot.
« Enfin le grand jour arriva : vers dix heures, deux inspecteurs vinrent «m’extraire», sur un brancard ! A treize heures, ils me remirent entre les mains des gardes du Palais de Justice qui me portèrent jusqu’à la salle d’audience. Ils ne purent me placer dans le box des accusés, le brancard étant trop grand. Je fus installé devant mon défenseur – Maître Ramboz, seule, puisque Maître Dupont s’était désisté trois jours plus tôt – et face au tribunal.
A treize heures trente, la Cour fit son entrée. Le Président d’abord, en robe rouge parée d’hermine ; puis le Commissaire du Gouvernement, en robe noire, et, enfin, les six jurés, dont deux suppléants. […]

« Immédiatement, le procès commença. Le Président m’interrogea sur mon identité, mes titres universitaires, ma situation militaire. […] Ensuite vint la lecture, par un greffier, de l’acte d’accusation. On me reprochait d’avoir procédé, fort légalement du reste, à l’arrestation de 60 militants communistes clandestins, que l’on paraît du titre plus reluisant de «Patriotes». On me reprochait encore d’avoir procédé à leur interrogatoire et d’avoir exercé des violences. Il est vrai que, par ailleurs, on reconnaissait que j’avais aidé des «Gaullistes» et des Juifs à se soustraire aux recherches de la police allemande en les prévenant de leur arrestation possible ou en leur fournissant de faux papiers, et l’on donnait lecture d’une lettre du général Leclerc au Garde des Sceaux, dans laquelle il demandait mon élargissement, en raison de ma conduite sous ses ordres. Enfin, il était dit que la ville de Baccarat, en signe de reconnaissance, m’avait remis une coupe de cristal.
« Je reconnus sans difficultés, comme lors de l’instruction, avoir opéré ces arrestations, avoir participé à ces interrogatoires, mais je niai toute violence. Les témoins qui défilèrent, sans s’étendre outre mesure sur les «violences» qui avaient fait d’eux des «martyrs» faisaient tous une déclaration à peu près identique :

— J’ai été arrêté par Giot, pour avoir participé sous les ordres du général de Gaulle (sic) à la lutte secrète contre les «Boches». J’ai été interrogé par lui, mais je n’ai pas parlé malgré les tortures !
Malheureusement pour eux, le Président, le Commissaire du Gouvernement, mon avocate et moi-même, nous nous montrions curieux. Il nous fallait des descriptions des tortures subies, des précisions de date et d’heure… et ce fut, pour les témoins, un «fiasco» total !

« […] Le lendemain, à l’ouverture de l’audience, la parole fut donnée au Commissaire du Gouvernement. Je ne me souviens plus de ses paroles exactes mais ce fut, non un réquisitoire, mais un plaidoyer. Il invoquait la raison d’Etat pour justifier ma comparution et ne demanda aucune peine. […] Le Président donna alors lecture des questions posées aux jurés :

— Giot a-t-il trahi ?
— Si oui, bénéficie-t-il des circonstances atténuantes ?
Il se retira alors avec les jurés pour délibérer. Sept minutes après, ils étaient revenus. Je me souviens encore des paroles du Président :
— Gardes… faites respecter la majesté de la justice !
Pour moi, il n’y avait plus de doute : le verdict était un verdict d’acquittement et le Président prévoyait des manifestations de «patriotes».
— La réponse du jury est « oui » à la première question et « non » à la seconde.
Giot est condamné à mort et à la dégradation nationale


(à suivre…)
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyVen 31 Juil - 9:34

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées… (6)

Condamné, sans possibilité de pouvoir faire appel, à être fusillé au peloton d’exécution, Jean Giot retourne à Fresnes où il est placé dans une des cellules des «condamnés à mort».
« Rapidement, les policiers qui m’avaient amené vinrent me reprendre et nous regagnâmes la prison, prenant le temps, malgré tout, de nous arrêter dans un bar bien connu de Montparnasse, où nous bûmes quelques whiskies ! […]
Mon arrivée souleva un grave problème administratif : les condamnés à mort doivent, d’après le règlement, avoir les chevilles enchaînées. Mais je n’avais plus de chevilles… que faire ? […]
Je fus dispensé de chaînes ! Mais je connus la cellule du condamné à mort. L’hiver 1945-1946 fut extrêmement rigoureux. La prison naturellement n’était pas chauffée et nos cellules, situées au rez-de-chaussée, étaient de véritables glacières. […] Les jours dans cette cellule froide, sans lumière naturelle, me paraissaient interminables. Les heures les plus pénibles étaient celles du réveil, aux premières heures de l’aube. C’étaient les heures où, en cas d’exécution, on venait chercher le supplicié ! J’ai vécu l’un de ces matins où le silence est total, où pas un bruit ne transpire des cellules des quatre étages de la division, bien que, derrière chaque porte, des hommes essaient de savoir le nom du camarade qui va partir pour le dernier voyage. J’ai, moi aussi, attendu, prêtant l’oreille à chaque bruit, le cœur battant à grands coups dans la poitrine, la gorge serrée, la sueur aux tempes. […]
« Au bout de cinquante-cinq jours, le 21 février 1946, vers trois heures de l’après-midi, le directeur de la prison vint me rendre visite. Je me souviens du dialogue :

— Alors, Giot, toujours « cafardeux » ?
— On le serait à moins, Monsieur le Directeur !
— Allons, vous avez encore de beaux jours : on vient de vous gracier. Votre peine est ramenée à dix ans de réclusion…
Tout se mit à tourner autour de moi. Je cherchais en vain les mots pour dire mon bonheur, pour remercier… Je ne pouvais pas articuler une syllabe. Le Directeur était parti. Certains gardiens, des camarades qui avaient pu s’échapper de leurs cellules, m’entouraient, me félicitaient comme si je venais de remporter une victoire personnelle.


Jean GIOT Jean_g13
Ci-dessus : Article numérisé des archives du journal Le Monde du 25 février 1946 annonçant la grâce de Jean Giot.

« Immédiatement, je quittai la cellule du condamné à mort pour retourner à l’infirmerie. Ces jours dans le froid, l’anxiété, avaient eu définitivement raison de ma santé. En dehors de ma mutilation et des complications cardiaques qu’elles avaient provoquées, j’étais atteint d’une affection nerveuse qui, aujourd’hui encore (en 1949 – ndr), n’est pas guérie. Mon état devait d’ailleurs s’aggraver jusqu’à nécessiter, au mois de juin 1946, mon transfert à l’hôpital pénitentiaire de Nanterre. Dans cet hôpital prison, nous jouissions de tous les désavantages de la prison, sans connaître les avantages de l’hôpital ! […]
Cet hôpital est une véritable escroquerie. Au nom de la morale, des grands principes, on l’a créé, pour soigner les malades ou les infirmes de la «Collaboration». Quel souci de la vie du prochain, allez-vous penser. Malheureusement, cet hôpital n’est qu’un paravent : en réalité, quelques cinquante occupants attendent là une mort certaine, sans soins, sans air, sans aucune des conditions de l’hygiène la plus élémentaire.


Jean GIOT Maison10
Ci-dessus : la maison départementale de Nanterre, transformée
à la Libération en hôpital pénitentiaire.
(Photo-carte postale prélevée sur Delcampe.net)

« J’ai vécu là deux longues années d’espoir déçus et de nouveaux coups du sort : un jour, j’appris que ma pension de guerre était supprimée et, qui plus est, que le gouvernement français me refusait la fourniture de jambes artificielles – alors que chaque amputé a le droit à deux paires d’appareils orthopédiques – et me réclamait la petite voiture d’invalide qu’il avait mise à ma disposition après mes blessures ! »

(à suivre…)
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyDim 2 Aoû - 16:06

Jean GIOT, le policier aux jambes coupées… (7)

En 1947, Jean Giot commence à entrevoir le chemin de la Liberté :
« Enfin, un beau jour, j’appris que la presse s’occupait de mon cas. […] Un jeune journaliste, Jean Ebstein {1}, entreprit la croisade en ma faveur. Son premier article, intitulé “Justice pour un Héros”, demandait ma libération, et suggérait l’idée d’une collecte destinée à m’offrir des jambes artificielles. La collecte obtint un plein succès auprès de la municipalité de Baccarat, de la Division Leclerc, et d’un tas de braves gens.
Au début de l’année 1948, le général Leclerc qui, tout au long de ma détention, avait bien voulu s’intéresser à mon sort, décida que le moment était venu d’intervenir pour me faire libérer. Mais les nouveaux maîtres de la France n’accordèrent à ce parrainage qu’une attention médiocre. A plusieurs reprises, Leclerc adressa au Ministre de la Justice des lettres où il demandait que mon recours en grâce soit examiné le plus rapidement possible. Le Ministre répondait par des lettres «passe-partout», où il n’était pas difficile de détecter la mauvaise volonté.


Jean GIOT Fin_de10
Fin de saison pour le peloton d’exécution…
(Dessin de Jacq inséré dans les « révélations » de Jean Giot
dans la revue “Europe Amérique”)

« D’autres personnalités et non des moindres, […] furent les artisans de ma libération. Mais ce fut le malheureux et tragique accident où mourut le général Leclerc, qui décida de mon élargissement. En effet, huit jours avant sa mort, il adressa une dernière lettre au Garde des Sceaux, demandant ma grâce. Un journal parisien, Paroles Françaises, suggéra que cette dernière lettre devait être considérée comme l’expression de la volonté posthume de Leclerc…
Mis au pied du mur, le Conseil de la Magistrature, alerté par son secrétaire général, Monsieur Granier, magistrat pour qui le mot « Justice » a encore tout son sens, décida, le 19 mars 1948, de me gracier en maintenant néanmoins «l’indignité nationale».

Quelques jours après cette décision, le 23 mars, vers dix heures, un gardien vint me signifier que je devais me préparer. Quelques minutes plus tard, j’étais libre. Hélas, je n’avais pas un sou et ma famille était à deux cents kilomètres de Paris… Je prévins téléphoniquement l’un de mes amis, en l’invitant à venir me chercher.
« Entre-temps, dans ce bistrot de la banlieue parisienne, où je m’étais installé, un client était entré. Veste de cuir, casquette, pantalon de velours retenu à la ceinture par une large flanelle bleue, il était le type même de l’habitué du zinc. Tout de suite, il m’adressa la parole :

— J’te demande rien… J’vois bien d’où tu sors ! Moi, je suis communiste et on en a marre de voir les lampistes se farcir le ballon. Tiens bois un coup ! Patron ! Filez-lui un paquet de tabac pour sa pipe et versez-lui à boire !
J’acceptai ces largesses, ne voulant pas entamer de discussion et aussi parce que ma pipe était vide et que j’avais très soif !
— T’en fais pas : bientôt, vous autres et nous, on va leur foutre une bonne révolution et on mettra les « gaullistes » dans le trou !
J’avais très envie de lui dire que ce programme n’était pas complet et qu’au surplus, si les communistes désiraient enfermer les gaullistes, ou réciproquement, le mieux était de ne pas trop compter sur moi ! Le linge sale se lave en famille… »


Fin

Note :
{1} Jean Ebstein-Langevin (1921 – 1998), fut un résistant, avocat, journaliste et militant politique d'extrême-droite. (Voir la page Wikipédia qui lui est consacrée)

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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyLun 3 Aoû - 7:55

félicitations pour toutes ces révélations cheers
en attente d'éléments biographiques, on découvre plusieurs Jean GIOT nés dans les années 20 (dont un en 1921)
voir
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyMar 4 Aoû - 9:09

Rien n’est dit sur ce que devint Jean Giot après sa libération, intervenue en mars 1948 ; si ce n’est que, visiblement, il profita de l’année et du début de la suivante pour rédiger ses «révélations» d’inspecteur des Brigades Spéciales, et qu’il fit publier en avril 1949 dans la revue “Europe Amérique”. Ces révélations se terminaient par une réflexion teintée quelque peu d’amertume sur ce qu’il ne voulait surtout pas faire, une fois libéré…

Reprit-il la plume quelques années plus tard, en se remettant dans la peau d’un inspecteur, mais cette fois-ci dans celle d’un inspecteur de la Brigade de police criminelle, qu’il baptisa “La Bobine” ? Nous le saurons après avoir consulté le dossier de Jean Giot qui est conservé aux archives de la Société des Gens de lettres.

Mais peut-être peut-on déjà, à travers la lecture des romans signés Jean Giot, détecter des signes qui viendraient alimenter cette hypothèse ? Certes, l’inspecteur Henri Vergnot, surnommé “La Bobine” en raison de ses qualités de «fileur», nous fait parcourir les lieux de la Préfecture de police de Paris comme si l’auteur y avait vécu ; les qualités de filature données à cet inspecteur ne sont rien d’autres que les qualités premières qui étaient exigées des inspecteurs des Brigades spéciales pendant l’occupation et, si “La Bobine” est un grand fumeur de pipe, comme d’autres héros de romans policiers, c’est peut-être parce que son auteur en était un lui aussi…

Mais ce ne sont là que de maigres indices… et encore : faut-il appeler cela des indices ? Ce qu’il faudrait, c’est que l’on retrouve par exemple dans les écrits du Jean Giot «romancier» des personnages, des situations, des lieux, …que le Jean Giot «ex-inspecteur» avait avancés dans ses révélations, tant il est vrai qu’il n’est pas rare que les romanciers étayent très souvent leurs romans de souvenirs personnels.

En relisant attentivement les différents messages que j’ai mis en ligne sur le présent topic, où j’ai fait la part belle à la teneur des dires de l’ex-inspecteur des Brigades spéciales, et en relisant notamment le dernier titre du Jean Giot romancier, je me demande si je n’ai pas déjà donné la clef de résolution…

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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyMer 11 Nov - 1:35

Tout d'abord merci à pcabriotpi83 pour avoir pris le temps de documenter ce sujet.
De mon côté, je viens de recroiser, anecdotiquement, le Jean Giot collabo puisqu'en ce moment je lis quelques témoignages de collabos épurés en prison à Fresnes.
Ainsi, Jean Bocognano (Quartier des fauves - Prison de Fresnes, éd. du Fuseau, 1953), détenu classé infirmier chez les condamnés à mort, en parle pp. 120-122 ; malheureusement il ne l'a pas rencontré personnellement et le survol biographique est assez douteux (je poste les images – désolé je ne sais pas comment réduire les dimensions à l'affichage).

Jean GIOT Pxl_2010
Jean GIOT Pxl_2011

Giot est aussi évoqué, rapidement, dans Rio, Fresnes, reportage d'un témoin, 1947, vers la fin (quartier des condamnés à mort) (https://criminocorpus.org/fr/bibliotheque/?advanced=true&q=&author=2299).

Bref, et je le regrette, pas d'élément nouveau pour faire ou défaire le lien entre le policier de la collaboration et l'auteur de polars. Mais ça fait vivre le sujet Wink
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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptyDim 13 Déc - 22:39

pcabriotpi83 a écrit:
« Immédiatement, le procès commença. Le Président m’interrogea sur mon identité, mes titres universitaires, ma situation militaire. […]
Giot donne-t-il des informations concernant sa biographie, ses études, hors le fait qu'il aurait été pilote ? Il n'était pas dans la police avant la guerre (le bouquin a le ton de l'expérience) ? emploie-t-il l'argot policier (bobine ?)

Je viens de lire « Un certain Monsieur Jacques » ; le bouquin est très sympa, simple et fluide, avec beaucoup de détails et de petites choses qui sentent le vécu et m'incitent à penser que ce n'est pas pure oeuvre d'imagination (ou bien elle est réussie). Mais ce vécu de l'auteur n'est pas facile à relier au vécu du policier de l'Occupation. Ça marche bien, mais rien n'est prouvé : il connaît Fresnes (parloir bruyants, silence le soir, sondage des barreaux, rêve de la fuite), il connaît (et condamne) les maisons de correction, il connaît la boutade involontaire de l'avocat dont le client vient d'être exécuté (nous avons été exécuté hier matin...), il a appris à être prudent avec les tenants du pouvoir (Il savait trop combien ceux-ci étaient adroits pour désavouer un fonctionnaire si le besoin s'en faisait sentir. (p. 27)), il connaît la prison de Poissy, il fume la pipe (beaucoup) et s'arrête dans des tonnes de bistrots.

Merci.
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyMer 13 Oct - 18:27

L’ami Illegs est à la fois très réservé et fort contenu dans l’énoncé des liens qu’il fait entre le Jean Giot « Brigade spéciale » et le Jean Giot romancier.
Pour moi, mon opinion est faite : l’inspecteur des Brigades spéciales et l’auteur des histoires de l’inspecteur “La Bobine” ne font qu’un.
A ce sujet, je proposais dans mon dernier post la lecture de son troisième roman “Un certain Monsieur Jacques”, afin de faire découvrir dans cette lecture certains rapprochements ou éléments qu’aurait pu vivre le Jean Giot inspecteur des Brigades spéciales.
Je vais présenter quatre rapprochements qui, pris indépendamment, pourraient apparaître comme des simples coïncidences, mais qui, une fois vus dans leur ensemble, ne laissent plus planer le doute:
1 – une lettre dissimulée dans le col d’une chemise.
Le roman commence (en substance) de la manière suivante (page 5) :
«C’était Denise qui la première, en avait parlé dans une lettre clandestine dissimulée dans le colis de linge qu’elle apportait chaque semaine en venant à la visite. […] Cela avait commencé au parloir où, criant presque à cause des autres visiteurs qui menaient un tintamarre assourdissant pour tenter, eux aussi, de se faire entendre, elle lui avait dit : «Regarde sous le col de ta chemise !...»
En rentrant dans sa cellule, le colis de linge sous le bras, après que celui-ci eut été fouillé par un gardien, il s’était précipité sur la chemise. Sous le col, une bande de papier plusieurs fois pliée et couverte de l’écriture de Denise, était apparue….»


Dans ses mémoires d’inspecteur des Brigades spéciales, Jean Giot rapporte, au sujet des aveux qui auraient été obtenus au prix de sévices et de tortures:
«Un jour, un militant du nom de Rex, arrêté par nos services et envoyé au « dépôt » tenta de faire sortir clandestinement une lettre en la dissimulant dans le col d’une chemise sale. Cette missive, destinée au Parti, expliquait que son auteur avait été victime de sévices lors de son arrestation. Interrogé à ce sujet, il déclara «n’avoir été l’objet d’aucune pression ni d’aucune violence, mais qu’ayant spontanément fourni à la police des renseignements qui avaient permis l’arrestation de ses camarades, il voulait éviter les représailles du Parti» !» (Europe-Amérique n°203 – page 14)

2 – La prison de Fresnes
Le Jean Giot «Brigades spéciales» fut incarcéré à la prison de Fresnes après son arrestation. Il illustra ses mémoires de plusieurs différentes photos de la prison, notamment le chemin de ronde et le mur d’enceinte, décorums qui seront utilisé pour l’évasion programmé du personnage de Feuillard de son roman:
«Je t’ai apporté une scie pour les barreaux et une corde nylon pour descendre dans le chemin de ronde. En arrivant au sol, tu marcheras droit vers le mur d’enceinte. Là, tu trouveras une échelle de corde toute prête et tu n’auras qu’à grimper. On t’attendra de l’autre côté.» (page 7)
Plus loin, l’inspecteur La Bobine débarque avec son chauffeur préféré, Alfred, à la prison de Fresnes :
«Ayant montré sa plaque, La Bobine précisa :
— Nous n’allons pas au quartier cellulaire, mais seulement aux pavillons des gardiens…
— Suivez l’allée tout droit et c’est sur votre droite…
— Merci. Je connais…»
(page 61)

Et pour cause !

3 – La Bobine et le « ténor du Barreau » Maître Lesancier.
Dans le roman, La Bobine reçoit un jour un appel téléphonique «confidentiel» du bâtonnier de l’Ordre des Avocats, Maître Lesancier. La Bobine se rend à son domicile pour le rencontrer :
«En effet, il n’était pas courant qu’un grand maître du barreau, déjà député et conseiller municipal, fit appeler un modeste fonctionnaire, après lui avoir littéralement jeté des fleurs au téléphone ! C’est pourquoi, en franchissant la porte d’entrée, La Bobine, loin d’être flatté, se tenait sur ses gardes. […]
— Asseyez-vous, mon cher !
Lui-même prit place derrière son bureau en prenant bien soin de préserver le pli de son pantalon. Sa mise, d’ailleurs, était soignée. Il portait un costume croisé de fil à fil du meilleur goût et sa cravate de soie jetait une tache plus claire dans cet ensemble un peu strict. […] A sa boutonnière fleurissait la rosette de la Légion d’Honneur…»
(Pages 21 et 23)

“Maître du Barreau, député et conseiller municipal”… exactement comme l’était Maître Dupont, le premier avocat que le Jean Giot ex-inspecteur des Brigades spéciales avait choisi pour assurer sa défense à son procès de décembre 1945. Ce même magistrat, que Jean Giot vit arriver un matin, la mine réjouie, la boutonnière ornée d’un ruban de croix de guerre (la “rosette” de Lesancier), la serviette sous le bras et l’air affairé, pour annoncer au prisonnier la venue de son magistrat instructeur, et qui se désista trois jours avant le procès !

4 – La maison départementale de Nanterre
Après que sa condamnation à mort eut été commuée en une peine de dix ans de réclusion, Jean Giot fut transféré de la prison de Fresnes vers la maison départementale de Nanterre. Il séjourna deux années dans ce qu’il appelait cet «hôpital prison», voyant autour de lui «quelques cinquante occupants [qui] attendent là une mort certaine, sans soins, sans air, sans aucune des conditions de l’hygiène la plus élémentaire.»

Dans le roman, La Bobine fait une incursion dans ladite maison départementale :
«— Mène-nous à la Maison Départementale de Nanterre, ordonna La Bobine. […]
Ce n’était pas une prison, mais néanmoins de hauts murs l’encerclaient et à la porte, il y avait un poste de garde. En ce lieu se trouvaient réunis tout ce que Paris peut compter comme déchets : filles publiques, clochards, vagabonds, sans logis… tous ceux que l’on cache pour faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. […]
Les fonctionnaires de cet étrange hôpital – car c’était aussi un hôpital – dépendaient de la Préfecture de Police. C’est dire que La Bobine était connu par la plupart :»
(pages 139-140)

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P.S. - Dans un prochain message, nous donnerons le résultat de la lecture du dossier SGDL de Jean Giot aux Archives nationales.
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyVen 15 Oct - 18:55

Jean Giot à la Société des Gens de Lettres.

La demande d’adhésion de Jean Giot à la Société des Gens de Lettres (SGDL) date de fin février 1955.

Il déclarait alors avoir à son actif la publication de deux romans policiers, édités par la Corne d’Or : “Prospère en croque” et “René la Brême perd la tête”, plus un troisième : “Un certain M. Jacques”, à paraître le mois suivant. Il demandait dans le même temps à se faire inscrire sous son vrai nom – Jean GIOT – et sous celui du pseudonyme d’Alfred PARIS. Il semble toutefois que ce pseudonyme, s’il fut effectivement utilisé par l’auteur, ne le fut pas pour signer des romans, la recherche de ce nom d’auteur sur le site de la BnF aboutissant à aucun résultat.
Par ailleurs, Jean Giot indiquait dans un document joint à sa demande d’adhésion qu’il était sous contrat avec La Corne d’Or – 2, rue Valperga à Nice, et qu’il s’était consacré, pour les débuts de sa carrière littéraire, au roman policier avec ces trois romans, sans compter un quatrième dont le titre était encore à fixer et à paraître en mai 1955. Et il annonçait qu’un roman d’espionnage, intitulé “Le « Réseau Tovaritch » entre dans la danse”, devait être incessamment publié, toujours chez le même éditeur. Il convient de noter que ni ce roman d’espionnage, ni son quatrième policier ne semblent avoir fait l’objet d’une publication. Peut-être à cause de la cessation d’activité de La Corne d’Or à cette période…

En 1960, il demande à prendre un second pseudonyme, pour des besoins journalistiques : Jean GIOT-GEISLER von HILLEBRANDT, qu’il a composé en ajoutant à son nom le nom de jeune fille de sa femme.

En 1962, alors que les éditions de La Corne d’Or ont disparu, il remet deux manuscrits de romans – “Fric-frac et lune de miel” et “Levée d’écrou pour Frédo la musique” à une agent littéraire parisienne, aux fins de placement chez un éditeur. Il lui faudra l’appui de la SGDL pour récupérer ses manuscrits, que l’agent semblait s’être plus ou moins accaparée.

En 1966, il s’associe avec un certain Pierre CAILLET, pour «la rédaction de romans et de nouvelles dits “policiers”, “d’espionnage” ou “d’aventures”». A cette occasion, les deux signataires déclarent prendre le pseudonyme commun de Jean-Pierre CAILLEGIOT. Là aussi, il semble que l’association ne fût pas suivi d’effet ; et les deux signataires abandonneront le pseudonyme commun début 1969, alors même que Jean Giot allait proposer un dernier pseudonyme : Don Ramon MARTINEZ. Mais une fois de plus, aucun titre ne semble être paru sous cette signature.

De fait, Jean Giot sera radié de la SGDL le 31 décembre 1970.

TontonPierre

Nous parlerons de la biographie de Jean Giot, bornée à 1955, et présente dans son dossier SGDL, dans un prochain message.
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MessageSujet: GIOT, Jean   Jean GIOT EmptyJeu 21 Oct - 16:15

« Note autobiographique »

Avertissement : Le dossier d’instruction d’une demande d’adhésion à la SGDL comporte un certain nombre de pièces imposées. Outre les courriers de motivation des parrainages de deux personnalités du monde des Lettres, le postulant doit y inclure une autobiographie, la liste des œuvres déjà produites, les éventuels pseudonymes qu’il souhaite utiliser (mais qui augmentent la cotisation annuelle), et un bulletin n°3 de son casier judiciaire (Vérification de la probité des candidats oblige !).
Comme je l’ai annoncé par ailleurs pour Jean-Pierre Conty, Les reproductions photographiques des pièces contenues dans les dossiers des Archives nationales peuvent être autorisées pour le lecteur, pour autant qu’elles soient réservées à un usage privé. C’est pourquoi il ne sera pas présenté de scans des photos prises au cours de ma consultation du dossier de Jean Giot. Concernant la biographie de l’intéressé (bornée à sa demande d’adhésion, soit début 1955), je me contenterai de reprendre les informations que j’ai visionnées, et qui sont titrées dans sa demande d’adhésion : « Note autobiographique ».


Jean Gustave Paul GIOT naît le 2 février 1921, à Formerie, dans l’Oise, de grands-parents et parents ouvriers. Il est élevé par ses grands-parents, à Dol de Bretagne, où il fréquente l’Ecole Primaire Supérieure, et où il passe son Brevet Elémentaire puis son Brevet d’Enseignement Primaire Supérieur.
Attiré par la carrière d’Officier-radio, soit dans la Marine-marchande soit dans l’Aviation commerciale, il suit à Paris les cours de l’Ecole Centrale de T.S.F.
A la déclaration de guerre, il s’engage dans les rangs du Personnel Navigant de l’Aviation où il est radiotélégraphiste.
Démobilisé fin 1940, il passe en février 1941 le concours d’entrée à la Préfecture de Police de Paris pour devenir Inspecteur. Il reste à ce poste jusqu’au moment où il rejoint les Forces Françaises Libres de la Division Leclerc ; Division dans laquelle il est blessé à Strasbourg et doit être amputé des deux jambes.
Sorti de l’hôpital en mars 1948, il se marie en février 1949 et devient père d’un garçon, âgé de deux ans au moment du dépôt de sa candidature à la SGDL en février 1955.
Il indique se consacrer à la carrière littéraire depuis sa sortie de l’hôpital, et habiter à Sainte-Maxime S/Mer dans le Var.


Très discret, n’est-ce pas, notre ex-inspecteur des Brigades spéciales Jean Giot, sur ses activités, pendant et juste après la guerre ! Certains pourraient même se demander comment il a pu insérer un extrait n°3 de casier judiciaire vierge dans sa demande d’admission, lui qui fut condamné à mort en décembre 1945. Car même s’il fut gracié en mars 1948, il conserva néanmoins l’indignité nationale.
S’il semble exact qu’il se soit consacré à la carrière littéraire après sa sortie de l’hôpital-prison de Nanterre ou il fut interné entre 1946 et 1948, il oublie - volontairement je pense - sa série d’articles titrés “Les Révélations d’un Inspecteur des Brigades spéciales anticommunistes” qu’il fit paraître sous son nom au printemps 1949 dans la revue Europe-Amérique…
Il indique qu’il s’est marié en février 1949. Effectivement ; et avec la fille d’un général allemand : Werner von Hillebrandt (1898-1971). Son mariage fut d’ailleurs annoncé dans la revue Point de Vue – Images du Monde de l’époque.

Le message précédent nous a donné quelques informations sur sa « carrière » littéraire, et ceci jusqu’au milieu des années 1960. Les échanges épistolaires qu’il eut avec la SGDL montrent qu’il déménagea souvent : de la résidence “L’ARASSA” de Sainte-Maxime (Var) où il demeurait en 1955, on le retrouve à Roquebrune Cap Martin (A.M.), dans la résidence “La Bagatelle”, en 1959, puis à Clisson (L.A.) en 1960, et enfin à Bois-Guillaume à partir de 1967, commune de Seine-Maritime située sur les hauteurs de Rouen et où il s’éteindra le 25 janvier 1983, dans sa 62ème année.

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MessageSujet: Re: Jean GIOT   Jean GIOT EmptySam 30 Oct - 6:04

Merci chaleureusement pour ce retour chargé d'informations Tonton Pierre, et pour avoir mené cette recherche malgré les aléas actuels.
Du point de vue de l'identité l'affaire est donc résolue : Giot est Giot.
Je crois que j'ai donc lu tous ses bouquins, plutôt réussis. Pour les manuscrits, ce sera tendu. C'est dommage, les titres donnaient envie d'ouvrir le livre.
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