Collection la tarente
Voici une collection
représentative des collections “érotiques” publiées dans les
années 50 : des romans teintés de violence et d’érotisme, avec des titres évocateurs, des illustrations de couvertures accrocheuses…. utilisant les couleurs emblématiques pour ce genre de collection :
le Noir et le Rouge, des auteurs évidemment sous pseudonymes… à consonance américaine comme il se doit, … et quelques ennuis avec la Censure, comme les collections noires/érotiques de cette période.
Le premier titre sort en novembre 1949 sous le label des
Editions de La Tarente – 127 chemin du Roucas Blanc à
Marseille (1).
Erik Certoncini, l’auteur du premier titre, nous refait le coup de l’anglais
Stephen Daniel Frances quelques 3 ans plus tôt : prendre le nom du héros de son roman comme nom d’auteur, en écrivant le roman à la première personne… Ce sera
Larry Saunders, qui signera 14 titres des 54 que comportera la série.
L’intégralité des couvertures de la collection est signée par les
frères Giordan (Robert et Raoul). Drôle de registre pour des spécialistes de la BD pour la jeunesse, n’est-ce pas ?… La réponse nous est fournie, me semble-t-il, dans une interview que donna
Raoul Giordan dans les années 90 et qui fut publiée dans le
n°70 de la revue trimestrielle “Hop !” consacrée à la mémoire de la BD :
« J’ignore la raison pour laquelle les éditions Publi-Vog [pour qui les frères Giordan travaillaient encore en 1949]
cessèrent la production BD. La boîte se reconvertit en librairie et nous demanda d’illustrer des couvertures de livres. Elle édita même deux romans écrit[s] par Robert ».Raoul Giordan fait ici à mon avis référence au changement de portage de
Publi-Vog vers
La Corne d’Or et sa “succursale” marseillaise des
Editions de La Tarente. Quant aux deux romans écrits par
Robert Giordan, on n’en trouve pas trace, ni à
La Corne d’Or (dans ses séries de romans gais, d’épouvante et de police/espionnage), ni à
La Tarente….
Raoul !, tu m’fous les boules !…
Si les deux romans en question ont bien été écrits et sont donc bien parus, ce ne peut être que sous pseudonyme…. Alors ?…
Ann Lorett ?…Robert Trébord ?… qui signeront chacun deux titres à
La Tarente ?…Avec
Trébord, on a déjà le prénom qui est bon. !…
La collection ne sera pas numérotée, mais les dates d’ “achevé d’imprimé” et les “numéros d’imprimeur” permettent de retrouver la chronologie des titres avec précision.
Côté format, que du classique : 192 pages, 12 x 18,5 cm, et un prix de vente fixé à 240 F (au départ !).
Les premiers volumes sont distribués pour Paris par les
Editions Fleuve Noir (selon la
“Bibliographie de la France”, 14 avril 1950) (2)
- Après les 4 ou 5 premiers titres, la parution devient régulière et mensuelle. Parmi les auteurs les plus édités de la collection, outre
Frédéric Certoncini qui publiera 16 titres (14 sous la signature de
Larry Saunders et 2 sous celle de
Ben Sciaghines), citons
Georges Claveyre-Peyre – 6 titres sous la signature de
(johnny) Mac Dougald et 1 titre signé
G.C. Arrudy, et
Robert-Georges Debeurre – 5 titres sous la signature de
Gérald Rose et 1 titre sous la signature
d’Andy Knight.
- Au 13ème titre –
“Attention mes belles” – juin 1951 – le prix passe de 240 F à 270 F.
- Mars 1953 verra
“Amours maudites”, de
June Seymour, être le dernier titre publié sous le label des
Editions de la Tarente. Jusque-là, la collection n’avait pas porté de nom particulier. Pourtant, une autre collection – série Police / Espionnage – avait démarré aux mêmes
Editions de La Tarente au 1er trimestre de l’année précédente. A partir du prochain numéro, la série sera labellisée
Collection “La Tarente”, tout en étant publiée aux
“Editions de la Corne d’Or” – 2 rue Valperga – Nice (3).
- Le style des illustrations des couvertures évoluera quelque peu, bien que restant toujours avec une image rouge et blanche sur fond noir.
- Du n°1 au n°9 : des silhouettes rouges et blanches pleine page dessinées en transparence sur le fond noir du recto de la couverture ;
- Du n°10 au n°25 : des tableaux plus élaborés, mais dans les limites d’un encadrement dessiné sur le recto de la couverture ;
- A partir du n°26 : retour à l’illustration pleine page représentant le plus souvent des personnages féminins en pied et en premier plan.
Les effets de la Censure :-
Trois titres passeront en “Correctionnelle” :
“A coudes rabattus” et “Frissons de joie” – signés
Larry Saunders, et
“Entraîneuses”, signé
Roger Klements.
-
Vingt titres seront interdits par arrêté administratif (loi de 1949) de vente aux mineurs, et d’exposition et d’affichage (ce que je nomme “double interdiction”).
Il est probable que ces mesures furent à l’origine de l’arrêt de cette collection à la mi 1955.
Il faut noter que les
Editions de “La Tarente” ont édité d’autres romans érotiques, en dehors de cette collection. Citons
“Badinages autour d’une hécatombe”, écrit par
Robert-Georges Debeurre – alias Robert-Georges Méra – sous la signature de
Rudy Georg-Maïer, paru en octobre 1952, et
“Honte sur nos amours”, de
Didier de Lassot, paru en 1953, au moment de la “mutation” Tarente >> Corne d’Or ; ce dernier titre étant présenté comme titre de la
“Collection La Tarente”, mais qui n’en est pas un (deux volumes de 256 pages 14 x 19 cm sous jaquette vernie couleur, vendus au prix de 570 F). Deux autres volumes suivont aux
éditions de la Corne d'Or, en 1953 :
"Le mal en tête" de
Jean Verdier, et
"Marie des supplices" de
Jaime Barbara.
(1) :
Roucas Blanc : littéralement “Roche Blanche” en provençal. Le chemin du Roucas Blanc se situe dans un quartier résidentiel au sud de Marseille, non loin de la corniche.
(2) : en échange, les
éditions Fleuve Noir pour le secteur Provence - Côte d’Azur seront distribuées à partir du
“dépôt régional d’édition” de la Corne d’Or à Nice - dépôt dirigé par
l’éditeur J. Berthe.
(3) : Nous verrons ultérieurement dans le
topic des Editions de la Tarente / la Corne d’Or quelques éléments d’hypothèse qui feraient appartenir ces deux maisons d’éditions à un même propriétaire, et ceci dès le départ en 1949/1950.